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Appels à contributions
L’ÉLaborée, n° 2 : “Ma(r)ge(s)”

L’ÉLaborée, n° 2 : “Ma(r)ge(s)”

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Joan Grandjean)

Ce deuxième numéro de la revue L’ELaborée mêlera recherche et création. Nous souhaitons pour ce second numéro proposer un format hybride, qui comportera quatre créations originales, et huit articles. Pour les créations, nous souhaitons avoir une nouvelle de fiction, de la poésie, une création visuelle, et une illustration. Les contributeurices sont à définir, nous les contacterons directement, sans appel à communication de ce côté. Étant chercheur·euse·s en histoire et en littérature, nous ne nous sentons en effet pas légitimes à répondre à un appel à communications de ce côté.

En ce qui concerne l’aspect recherche, nous ouvrons un appel à communications qui visera à sélectionner huit articles. Ces derniers seront publiés sous deux formats : un format « traditionnel » sur notre carnet Hypothèses ; et un format court (environ trois pages) qui sera publié dans une version papier.

Le but de cette hybridation est d’ouvrir nos domaines à l’expérience de pensée par l’art – particulièrement vive dans les littératures de l’imaginaire -, mais également de donner envie à des publics non concernés de s’intéresser à la recherche.

  • Appel à communications

            Ce numéro articulera ensemble deux thématiques qui nous tiennent à cœur, à savoir la magie et les marges. En effet, si les littératures (au sens large, la transmédialité est au cœur de ce projet) de l’imaginaire se sont longtemps caractérisées de façon schématique par l’ascension d’un élu (« Tu es un sorcier, Harry »), elles sont également définies par la place qui est donnée aux marginales et marginaux. Ainsi, Estelle Faye, dans la préface de Nous parlons depuis les ténèbres, affirme, s’attachant aux voix et personnages de la littérature d’horreur :

Nous avons en commun cette part d’ombre et de liberté, ce miroir que nous tendons à la cruauté du monde. Nous amenons avec nous les âmes tourmentées, les marginaux et les monstres. Nous ne sommes pas seules. Nous parlons depuis les ténèbres, et nous ferons entendre nos voix.1

La marge est définie comme l’opposition à une norme, elle est un seuil, une limite, où l’identité des personnages qui y évoluent est définie par leurs différences. Ces personnages peuvent être rejetés aux marges de la société en raison de la peur qu’ils inspirent (d’où le choix de vivre dans des villes cachées aux êtres non magiques, dans le cycle Daevabad de S.A. Chakraborty par exemple), ce qui n’est pas sans rappeler l’histoire de la domination que s’attachent à décrire Michel Foucault et James C. Scott. Elle se définit en opposition au pouvoir et au contrôle, autrement dit par rapport aux modèles dominants. Ainsi, quel terrain plus propice que les littératures de l’imaginaire, en marges de la littérature dite réaliste, pour s’interroger sur ces marges ? Si elle s’oppose au pouvoir dominant, la marge est également le lieu où des figures de contre-pouvoir pourront s’exprimer, avec bien souvent une communauté se développant face à un pouvoir unique – souvent patriarcal (Estelle Faye, Les Seigneurs de Bohen et Les Révoltés de Bohen ; Christophe Guillemain, L’Enterrement des étoiles).

Les marges, définies comme un espace géographique, sont le lieu où la magie peut s’exprimer, alors même qu’elle est historiquement bannie de la société (à ce sujet, nous renvoyons, entre autres, aux chasses aux sorcières durant la période de la Renaissance, théorisées par Guy Bechtel dans La Sorcière et l’Occident, Silvia Federici dans Caliban et la sorcière, François d’Eaubonne dans Le Sexocide des sorcières : fantasme et réalité, pour ne citer que ces ouvrages). Il s’agit alors de penser la magie comme une différence par rapport à la norme (ce qui est un des ressorts du fantastique) ou au sein d’une société imaginaire (dans la fantasy). La magie y est tour à tour valorisée comme un pouvoir surpassant celui des autres (telle l’admiration que suscite un Gandalf), ou reste un objet d’effarement, de peur (tel le danger que représentent un Saroumane ou les « maudites sorcières » du Bene Gesserit).

Ces marges que nous souhaitons explorer dans ce numéro sont également rattachées au genre – au sexe – des protagonistes, et nous utilisons le terme « mage » du titre au sens neutre. Nombre de femmes mages – donc sorcières, magiciennes – sont en effet décriées par rapport à leurs collègues masculins – aussi la magicienne est-elle une mage aux marges (nous pouvons penser aux sorcières du Discworld de Terry Prattchett qui, contrairement à leurs homologues nettement moins compétents, n’ont pas de reconnaissance académique dans le cycle ; ou à l’enfermement des sorcières dans Ars Magíca de Nerea Riesco). Par ce biais, nous invitons également à interroger les représentations des personnages queer dans les littératures de l’imaginaire, ces personnages se construisant par définition aux marges des modèles dominants selon un mouvement recoupant pouvoir, genre et sexualité (voir entre autres The Roots of Chaos de Samantha Shannon). Les questions de race seront également explorées, afin de questionner une culture dominante blanche, dans laquelle les archétypes de personnages racisés sont encore trop peu explorés (nous renvoyons ici entre autres à Brujas. The Magic and Power of Women of Color de Lorraine Monteagut pour le pendant théorique ; à des récits tels que Who Fears Death de Nnedi Okorafor pour la fiction).

Enfin, nous pourrons nous interroger sur l’existence de mages aux marges de leurs communautés, que ce soit le résultat d’une mise à l’écart (à travers par exemple le personnage de Sabrina), ou d’un choix (Altari, Le Seigneur des Anneaux).

Il s’agira en outre d’interroger ce que peuvent dénoncer, au sein de notre société, ces processus de marginalisation dont les récits de fiction sont autant d’exemplifications, partant du principe communément admis du miroir déformant qu’est la fiction. Autrement dit, il s’agit bien de penser l’altérité dans un monde qui est autre.

Pour synthétiser, les axes de réflexion sont les suivants et peuvent, bien sûr, être pensés comme un tout uni, puisque les frontières des marges sont poreuses :

  • Les marges et la magie par rapport à un pouvoir politique dominant.
  • La marginalité en raison du sexe.
  • La marginalité en raison de la race.
  • La marginalité queer.
  • Ce que disent les marges de notre société.

  • Modalités de contribution

            Nous avons à cœur la transdisciplinarité. Aussi toute proposition se rattachant aux sciences humaines et sociales est la bienvenue, tant que qu’elle s’inscrit dans la définition des littératures de l’imaginaire (définition : https://lelaboratoiredesimaginaires.wordpress.com/about/).

Vos propositions seront anonymes avec un titre et le résumé de votre article (1500 caractères espaces compris), et un document annexe comprenant votre nom, prénom, et votre bio-bibliographie (mémoire, éventuelles publications, etc). Nous attendons vos écrits pour le 13 mars 2024 au plus tard. Merci de nous les transmettre sur la boite mail du laboratoire : laboratoiredesimaginaires@gmail.com.

L’association du Laboratoire des Imaginaires a pour vocation d’accompagner et favoriser la réussite des jeunes chercheurs et chercheuses. Nous souhaitons donc offrir aide et conseils aux personnes n’ayant jamais (ou peu) publié d’article.

  • Comité éditorial

Co-direction : Hugo Orain et Jaïlys Duault.
Illustrations – graphisme : Nathalie Almange

  • Comité scientifique

Hugo Orain
Jaïlys Duault
Quentin Leclerc
Marie Kergoat
Enzo Le Guiriec
Eliott Bernard de Courville

  • Bibliographie indicative

Acker Kathy, « Seeing gender », Critical Quaterly, vol. 37, n°4, 1995.
Anzaldúa Gloria, Borderlands/La Frontera : The New Mestiza, San Francisco, Aunt Lute Books, 1987.
Bechtel Guy, La Sorcière et l’Occident, Paris, Plon, 2019.
Besson Anne, Les Pouvoirs de l’enchantement : usages politiques de la fantasy et de la science-fiction, Paris, Vendémiaire, 2021.
De Lauretis Teresa, Théorie queer et culture populaire. De Foucault à Cronenberg, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bourcier Marie-Hélène, Paris, La Dispute, 2007.
Ginzburg Carlo, Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires, XVI-XVIIe siècle, Paris, Flammarion, 1984.
Monteagut Lorraine, Brujas. The Magic and Power of Women of Color, Chicago, Chicago Review Press, 2021.
Scott James. C., La Domination et les arts de la résistance. Fragments d’un discours subalterne, Paris, Amsterdam, 2009.
Shannon Samantha, « My Feminist call to Historical Fantasy », MS, 26 février 2022, URL : My Feminist Call to Historical Fantasy – Ms. Magazine (msmagazine.com) [consulté le 9 novembre 2023].
Turbiau Aurore et al, Ecrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours, Paris, Cavalier Bleu, 2022.