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Writing (for) the soundtrack fandom : la musique de film, ses fans, ses revues (revue Émergences)

Writing (for) the soundtrack fandom : la musique de film, ses fans, ses revues (revue Émergences)

Publié le par Marc Escola (Source : Gérard Dastugue)

Writing (for) the Soundtrack Fandom. La musique de film, ses fans et ses revues

Revue Émergences. Son, musique et médias audiovisuels

Volume 1, n°2

Dirigé par Gérard Dastugue

Dans l’esthétique de la réception du cinéma, art aujourd’hui transmédiatique, la musique de film opère son archéologie. Si sa réception comme sujet et comme média de masse a quelque peu été étudiée (Chion, 1995), le profilage sociologique et comportemental de ses fans demeure encore en construction malgré quelques propositions d’analyse (Keown, 2015 ; Rendell, 2022). Longtemps condamnée à n’être qu’une « niche », la musique de film a corrélativement – et logiquement – construit sa communauté de fans, cinéphiles-mélomanes ou simples auditeurs d’un genre musical codé, généralement instrumental, qui représente un pourcentage conséquent voire majoritaire (mais non exclusif) de leur temps d’écoute musicale. Le ou la fan de musique de cinéma se considère comme un « connoisseur/connoisseuse » dévoué/e notamment à la figure du compositeur ou de la compositrice (Keown, 2015). Se profile également la réception de la musique de cinéma comme valeur ajoutée du film et paratexte mémoriel fondamentalement lié aux images même si elle peut s’appréhender en valeur absolue, désolidarisable du prétexte dramatique pour laquelle elle a été composée (Audissino, 2021) Ainsi, la connaissance des films pour le public éclairé des grandes partitions orchestrales d’un John Williams, d’un Jerry Goldsmith, d’un Bernard Herrmann ou d’un Ennio Morricone peut demeurer périphérique.

Le terme même de « fan » revêt une certaine banalité (Hills, 2002) et semble parfois complexe à définir tant il offre une pluralité d’incarnations et de représentations. Péjorativement connoté, il tend ainsi à réduire les membres à une dévotion quasi mystique (Segré, 2014). La caractérisation synthétique proposée par Mélanie Bourdaa en sera d’autant plus appréciée : appartenance à une communauté, étirement du moment de la réception, connaissance experte de l’œuvre ou de l’artiste, production de sens et de contenus, engagement socio-politico-culturel (Bourdaa, 2019). Cette communauté de pratiques (Baym, 2000) ou communauté d’affiliation (Wiltse, 2004) se voit alors étudiée, à travers les fan studies : émetteurs et récepteurs d’une production sont envisagés dans la complexité multilatérale de leurs échanges, faisant tout autant sens que société. 

Avant l’ère numérique, cet esprit communautaire prenait une forme semblable à celle des ciné-clubs, plusieurs personnes partageant un intérêt commun pour les mêmes objets mais opérant dans des modalités différentes. Les premières communautés se sont regroupées et construites autour de fanzines et revues – plus particulièrement dans les années 1990, où fleurirent notamment Film Score Monthly, Cantina Band (États-Unis), Music from the Movies (Royaume-Uni), Cinema Musica (Allemagne), Soundtrack (Belgique), MSV (Hollande), ou encore Main Title, Music Box, Dreams to Dreams…/Cinefonia, Leitmotiv (France), etc. L’arrivée du numérique a bien entendu brisé les contraintes géographiques de telles communautés. Pourtant, peu de fanzines ont opéré le virage Internet et de nouveaux magazines en ligne (webzines) se sont créés (Underscores, Cinezik, etc.), dans la même dynamique passionnée de ses membres bénévoles. Très rapidement, des pages, des forums et des blogs dédiés vont fleurir sur la toile, relayés ensuite par les réseaux sociaux, permettant d’ouvrir la vitrine d’une enseigne qui allait à la rencontre de la communauté potentielle (Combes, 2011). Du format papier aux outils numériques de communication, les fans s’engagent dans leur passion en appréciant, en évaluant, en produisant, en diffusant (Jenkins, 2006). Qui aimait les compositeurs John Williams (Cantina Band), James Horner (Dreams to Dreams…), Ennio Morricone (MSV) pouvait lire, écrire et partager une presse dédiée, dévouée au même titre que des fan fictions étendent un univers fictionnel. C’est également au début des années 2000 que la question de la musique au cinéma va apparaître au sein de tables-rondes intégrées à des thématiques plus larges ou par la création de festivals d’envergure en Espagne (Ubeda, Bilbao) ou en France, avec le Festival International Musique et Cinéma d’Auxerre qui, par la qualité des invités et des concerts, a pu rayonner pendant une décennie (2000-2009). Conséquemment, la multiplication des festivals « musique et cinéma » importants (Aubagne, La Baule, Ciné-Notes à Bordeaux) ou plus réduits (Agen, Pont-à-Mousson, Lunéville) et celle, parallèle, des ciné-concerts a explosé les frontières communautaires des fans pour les ouvrir plus largement dans une forme de marketing de la nostalgie (Audissino, 2021 ; Dastugue, 2018). Souhaités comme un Graal il y a une vingtaine d’années, des concerts de grandes figures de la musique de film tels Hans Zimmer, John Williams, Joe Hisaishi, Danny Elfman, Vladimir Cosma, etc. deviennent aujourd’hui une normalité événementielle, couronnée de succès. S’agit-il alors de prolonger l’expérience du film ou bien d’apprécier cette communion audiovisuelle dans de nouvelles conditions, révélant au public l’apparatus de la fosse d’orchestre ?  

Quelle presse et quelle réflexion éditoriale pour accompagner les fans dans cette jungle de propositions ? Pour des magazines en ligne installés à la suite de Traxzone comme Cinezik ou Underscores, combien de mini-pages à l’auditoire certes limité, mais qui parviennent à réaliser et faire rayonner une interview, une recension, une annonce d’événement auprès de followers ? Car les fans de la première heure sont à retrouver dans une logique professionnelle que leur bénévolat d’antan pouvait laisser présager. Nombre de chroniqueurs des fanzines des années 1990 n’ont cessé d’évoluer dans la galaxie « musique de film » vers la professionnalisation en son sein (journalisme, labels musicaux, composition, orchestration…). Il apparaît donc légitime de questionner ce lien passé-présent des fans et comment leur passion de la musique de film, souvent éveillée à l’adolescence, a pu générer, activer, construire un parcours professionnel. Dans tous les domaines qui appellent à ce type de communauté, que ce soit pour un artiste, pour une pratique, pour un lieu – à une époque où la société postmoderne attise et attire les « j’aime », « je partage », « je m’abonne » – il semble intéressant de s’interroger, au filtre des fan studies, sur cette éthique de la réception de la musique de cinéma. Car si « les communautés de fans se vivent comme des familles à part entière » (Bourdaa, 2023), celles de la musique de film restent à explorer dans leurs parentés, leurs fraternités, leurs solidarités, leurs rivalités.

Dans une démarche de fan-universitaire (voir l’« aca-fan »ou « scholar fan » selon Hills, 2002), l’objectif de ce numéro est de dresser un profil du fan de musique de film, principalement à travers ses habitudes de lecture et d’information (papier et numérique) et, corrélativement, ses habitudes de consommation de la musique elle-même : en lien direct avec le film, en écoute isolée (post- ou sans visionnage), en élargissant l’expérience à celle des ciné-concerts. La pluralité et la diversité (souhaitées) des propositions pourra être à terme un tremplin à une étude plus large et possiblement récurrente d’une typologie du soundtrack fandom.

 Afin d’orienter les propositions, les axes suivants pourront être étudiés (mais ne sont nullement limitatifs) :

      Fans et communautés : Entretiens et témoignages de certains des acteurs impliqués dans ce fandom : acteurs de publication, mélomanes, collectionneurs, cinéphiles, responsables de labels / Musique de films et réseaux : animer un site, un blog, un réseau social dédiés ; vitrine et promotion privilégiées pour faire connaître son travail, pour interagir

     Fans entre musique et image : Être mélomane, être cinéphile : visionner le film est-il un passage obligé pour apprécier une musique composée expressément pour l’écran ? / La musique de film et le support : évolution et dématérialisation. Quelle place pour l’édition et les collectionneurs ? / En quoi les politiques d’éditions musicales ont-elles façonné ou remodelé l’expérience de l’amateur de musique de film ? / Musique originale / préexistante / de répertoire : la réception des chansons et compilations

     Fans et professionnels : De la passion à la prescription : les journalistes, spécialistes et academic fan d’influence / Musique et traitement en évolution : comment écrire aujourd’hui sur la musique de cinéma, en pleine mutation (raréfaction des mélodies, montée en puissance du sound design, etc.) / L’« aca-fan »ou « scholar-fan » : l’approche universitaire de la musique de film entre musicologie, sémiologie et cinéphilie

     Fans et événementiel : Les festivals, rencontres et table-rondes : comment parler musique de cinéma au grand public ? / Le ciné-concert : écouter le film ou voir la musique ?

Modalités de soumission
Les propositions devront se constituer d’un titre et d’un résumé (2000 à 4000 signes, espaces comprises), ainsi que d’une notice biographique (750 signes maximum). Les comités de lecture seront particulièrement attentifs aux propositions problématisées dans lesquelles un plan prévisionnel apparaît. Les résumés pourront être accompagnés d’une bibliographie indicative des ouvrages ou articles consultés.

Les propositions devront être envoyées à gerard.dastugue@ict-toulouse.fr, chloe.huvet@univ-evry.fr et jeremy.michot@univ-tours.fr avant le 15 février 2024 et les articles acceptés devront être transmis au directeur du numéro avant le 15 juillet 2024.

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Bibliographie indicative

Audissino, Emilio. Film Music in Concert. Cambridge : Cambridge University Press, 2021.
Baym, Nancy. Tune In, Log On: Soaps, Fandom and Online Community. Londres : Sage Publication, 2000.
Bourdaa, Mélanie. « Les fans studies en question : perspectives et enjeux », Revue française des sciences de l’information et de la communication, n° 7 (2015). https://doi.org/10.4000/rfsic.1644.
Bourdaa, Mélanie. Les Fans. Publics actifs et engagés. Les enfants du numérique. Caen : C&F Éditions, 2021.
Bourdaa, Mélanie. « Soit dit en passions (3/5). Mélanie Bourdaa : “Les communautés de fans se vivent comme des familles à part entière” ». Par Wassila Belhacine. Libération. 4 août 2023. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/melanie-bourdaa-les-communautes-de-fans-se-vivent-comme-des-familles-a-part-entiere-20230804_SVGUD4DGVVDNXPCODFHMPPEGHE.
Chion, Michel. La musique au cinéma. Paris : Fayard, 1995.
Combes, Clémence. « La consommation de séries à l’épreuve d’internet : entre pratique individuelle et activité collective », Réseaux 165, n° 1 (2011) : 137-163. https://doi.org/10.3917/res.165.0137.
Dastugue, Gérard. « La chanson chez Disney : une stratégie en chanté », Inter-Lignes 21, (2018) : 111-124.
Derbaix, Maud et Michaël Korchia. « Individual Celebration of Pop Music Icons: A Study of Music Fans Relationships with their Object of Fandom and Associated Practices », Journal of Consumer Behaviour 18, n° 2 (2019) : 109-119. https://doi.org/10.1002/cb.1751.
Duffett, Mark. Understanding Fandom: An Introduction to the Study of Media Fan Culture. New York : Bloomsbury Publishing, 2013.
Hills, Matt. Fan Cultures. Londres : Routledge, 2002.
Jenkins, Henry. Convergence Culture: Where Old and New Media Collide. New York : New York University Press, 2006.
Keown, Daniel J. « A Descriptive Analysis of Film Music Enthusiasts’ Purchasing and Consumption Behaviors of Soundtrack Albums: An Exploratory Study », Psychology of Music 44, n° 3 (mars 2015). https://doi.org/10.1177/030573561557541.
Rendell, James. « In Awe of Scores and Roars: Audience Phenomenological Fragmentation Between Screen and Soundtrack », The Soundtrack 14, n° 1 (juin 2022). https://doi.org/10.1386/ts_00021_1.
Segre, Gabriel. Fans de… Sociologie des nouveaux cultes contemporains. Paris : Armand Colin, 2014.
Wiltse, Ed. « Fans, Geeks and Nerds and the Politics of Online Communities », Proceedings of the Media Ecology Association 5, (2004) : 1-7.

Comité éditorial

Justine Breton, université de Reims Champagne-Ardenne
James Deaville, Carleton University
Louis Daubresse, université de Montpellier
Jason Julliot, École Normale Supérieure de Lyon
Magdalena Kempna-Pieniążek, Uniwersytet Śląski
Benjamin Lassauzet, université Clermont Auvergne
James McGlynn, University College Cork
Bogumiła Mika, Uniwersytet Śląski
Conor Power, Maynooth University
Héloïse Rouleau, universités de Liège / Montréal
Jérôme Rossi, université Lumière Lyon 2
Tim Summers, Royal Holloway University of London
​Stefan Swanson, Sheperd University
Grégoire Tosser, université d’Évry Paris-Saclay

Comité scientifique

Laura Anderson, University College Dublin
Martin Barnier, université Lumière Lyon 2
Mélanie Bourdaa, université Bordeaux Montaigne
Cécile Carayol, université de Rouen Normandie
Claire Cornillon, université de Nîmes
Guillaume Dupetit, université Gustave Eiffel
Stephan Etcharry, université de Reims Champagne-Ardenne
Florent Favard, université de Lorraine
Anaïs Goudmand, Sorbonne Université
Aurélie Huz, université Paris Nanterre
Emmanuel Parent, université Rennes 2
Jérôme Rossi, université Lumière Lyon 2
Makis Solomos, université Paris 8.