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Article publié
le 16 mai 2016

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2016Avril-mai 2016 (volume 17, numéro 3)

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    Marine Cellier

    Sur les traces du marronnage. De Makandal à Zamore, voix d’esclaves dans les récits français du XVIIIe siècle

    Rachel Danon, Les Voix du marronnage dans la littérature française du XVIIIe siècle, Paris : Classiques Garnier, coll. « L'Europe des Lumières », 2015, 424 p., EAN 9782812437113.

    1L’ouvrage de Rachel Danon, Les Voix du marronnage dans la littérature française du xviiie siècle, tiré de son travail de thèse, s’ouvre sur le constat de l’échec d’un projet initial, qui visait à étudier les voix d’esclaves à partir de récits d’expériences personnelles, équivalents des slaves narratives du monde anglo-saxon. Se heurtant toutefois à une apparente inexistence de ces témoignages en français1, l’auteure a choisi d’avoir recours, par défaut, à des textes écrits non plus par des esclaves, mais par des Européens. Dès lors le projet se déplace et tente de faire affleurer les voix des marrons2 sous le discours, « d’exhumer ces paroles étouffées ou d’analyser leurs reconstitutions dans les textes qui les ont recueillies ou/et les ont mises en scène » (p. 13). Dans son ouvrage, R. Danon expose ainsi les résultats d’une enquête minutieuse au sein d’un corpus d’une dizaine de textes écrits par des auteurs français entre 1735 et 1790. En présentant son ouvrage comme un hommage aux résistances des esclaves, l’auteure cherche à retracer les contours d’un « imaginaire littéraire du marronnage » (p.348). Une démarche à la fois originale et audacieuse, puisqu’il s’agit d’examiner des textes du xviiie siècle tout en situant la réflexion dans les débats historiographiques sur l’esclavage des xxe et xxie siècles. L’auteure choisit en effet d’inscrire son étude dans une approche postcoloniale 3, considérant les textes de son corpus comme

    annonciateurs des tensions multiples qui feront osciller trois siècles de littérature ultérieure entre les charmes suspects de l’imaginaire « orientaliste », bien décrit par Edward Saïd, et des gestes narratifs à velléité émancipatrice réalisés par plusieurs générations d’auteurs de sensibilité tiers-mondiste. (p. 33)

    2Ainsi, l’auteure parvient à montrer comment, dès le xviiie siècle, peut émerger la figure du marron « créateur de nouveaux modes de combat et de résistance », (p. 21), une figure qui connaîtra à partir du xxe siècle un essor extraordinaire dans la littérature, devenant le symbole de la résistance noire à l’esclavage4. À travers une lecture fine des œuvres et loin de tout monolithisme, R. Danon propose une analyse qui relève au contraire toutes les ambiguïtés de la représentation du marronnage, tout en cherchant à mettre en valeur la manière dont sont déjà mises en scène « les formes de résistances actives auxquelles ont participé ces sujets historiques qui ne sont souvent représentés par l’historiographie que comme des victimes passives » (p. 13).

    Les voix des marrons dans la littérature

    3Dans les premiers chapitres de son étude, R. Danon propose un panorama précis des débats historiographiques autour de l’esclavage et du marronnage. Elle insiste en particulier sur l’opposition entre deux conceptions du marronnage, perçu d’un côté comme « révolte spontanée ou épisodique », et de l’autre comme « désir organisé d’échapper définitivement à la servitude » (p. 47). La première conception est traditionnellement rattachée à l’école dite « française », représentée par Yvan Debbasch5, qui s’oppose à l’école dite « haïtienne », à la tête de laquelle on trouve notamment Jean Fouchard6, pour qui la quête de la liberté est à l’origine du marronnage. R. Danon trouve chez Richard Burton7 l’expression d’une troisième voie, représentée selon lui par Leslie Manigat et Caroline Fick, dans laquelle elle inscrit son travail, et qui choisit d’examiner la genèse du marronnage comme un ensemble de possibles, allant de l’insurrection contre les mauvais traitements à la revendication politique et collective de l’abolition de l’esclavage. Il ne s’agit donc ni de « nier le désir de liberté chez les marrons », ni d’« en faire une cause explicative générale, abstraite, dogmatique, passe-partout et “romanticisée” » (p. 56). Au contraire, et à partir de la tripartition proposée par Audrey Carotenuto pour définir les champs de résistance (« résistance de préservation », « résistance-agression » et « résistance-rupture »)8, R. Danonrend compte de toutes les formes que peut prendre le marronnage, qui constitue selon elle une « chambre de résonance culturelle » (p. 62) et une tentative de préservation identitaire9.

    4Pour son étude, R. Danon s’appuie sur un corpus transgénérique de textes, regroupés par thèmes et par genres dans les six chapitres centraux de l’ouvrage. Les trois premiers se centrent sur « Makandal, histoire véritable » et le « Discours du chef des nègres révoltés de la Jamaïque »10, pour aborder ensuite la traduction d’Oroonoko de Pierre-François de La Place11 et Ziméo, de Jean-François de Saint-Lambert12. L’auteure consacre ensuite un chapitre aux représentations lyriques du marronnage13, puis au roman épistolaire avant de s’intéresser au théâtre dans la dernière section de son ouvrage. Elle considère ainsi successivement Les Lettres africaines, ou Histoire de Phédima et d’Abensar14 et la représentation à la Comédie Française de la pièce d’Olympe de Gouge, L’Esclavage des nègres15. Cette diversité générique des récits qui composent le corpus est l’occasion pour l’auteure d’examiner les différentes manières dont l’énonciation met en scène, directement ou indirectement, la parole du marron. Les textes journalistiques ou la traduction de l’œuvre d’Aphra Bent, qui se présente comme un récit autobiographique, revendiquent une authenticité historique. Les récits lyriques, de même que la pièce d’Olympe de Gouge ou le dispositif épistolaire des Lettres africaines permettent quant à eux de faire émerger un discours à la première personne, qui révèle l’intériorité du marron et use d’une rhétorique pathétique apte à émouvoir, donnant ainsi davantage de puissance et de visibilité à la parole de l’esclave. Un discours qui atteint d’autant mieux sa cible que ces derniers sont des personnages charismatiques, amants fidèles et dévoués qui, souvent issus de l’aristocratie, peuvent provenir d’une famille royale (Ziméo, Makandal ou Oroonoko sont des princes africains) et conservent leur caractère exceptionnel dans la servitude16. Mais l’intérêt du corpus choisi par l’auteure réside surtout sur l’apparition de voix de femmes. Ainsi, Pierre-François de La Place introduit dans sa traduction le récit inédit d’Imoinda. La femme d’Oroonoko, dont la « voix de marronne se caractérise par [sa] puissance (de charme et de persuasion) » (p. 178), prend en effet la parole pour raconter son expérience et se présente selon R. Danon « comme le symbole du marronnage au féminin » (p. 175). L’auteure montre également comment Phédima, fiancée d’Abensar dans Les Lettres africaines, en en devenant le personnage principal et le moteur de l’action, constitue, avec Imoinda, l’un des premiers personnages de femmes marronnes de la littérature.

    Ambiguïté des discours portés sur l’esclavage

    5Les œuvres qui composent le corpus des Voix du marronnage ont la particularité de présenter un « double discours » (p. 206) sur l’institution de l’esclavage, qui souligne « les ambivalences des Européens qui vivent dans une situation de maîtres esclavagistes dont ils condamnent en principe les fondements » (p. 218). L’auteure analyse ce double discours en mettant au jour l’ambiguïté de la critique portée par les œuvres sur le système colonial. D’une part, si les textes stigmatisent les cruautés de certains colons, ils montrent aussi la possibilité d’un esclavage modéré et humaniste pratiqué par des maîtres bienveillants et généreux. Ainsi, c’est systématiquement grâce aux colons que les esclaves peuvent être libérés. Chez Olympe de Gouge, Pierre-François de La Place, Jean-François de Saint-Lambert, ou Jean-François Butini, ces derniers entretiennent par ailleurs une relation affectueuse avec leur maître, auquel ils témoignent une fidélité qui peut aller jusqu’au sacrifice. Ce que ces auteurs du xviiie siècle dénoncent, c’est d’autre part moins le système esclavagiste que la dégradation injuste que subissent les personnages, des êtres sensibles et provenant de rangs élevés. Ainsi, les textes opposent souvent le héros exceptionnel à la masse des autres esclaves : dans Les Lettres africaines, Phédima peut prétendre à être épousée par Sir Darnley, à qui elle a refusé de céder alors qu’il s’était introduit dans sa chambre pour abuser d’elle, parce qu’il la juge dès lors « digne de monter au rang des maîtres17 ».

    6L’auteure invite cependant à ne pas négliger les revendications abolitionnistes qui affleurent, directement ou indirectement, dans des textes. C’est en particulier le cas du récit de Jean-François Butini, dans lequel se trouve inséré un mémoire abolitionniste, que Phédima fait lire à son mari afin de le pousser à affranchir ses esclaves. R. Danon évoque également la possibilité que certains auteurs doivent désamorcer la portée politique de leur texte afin de ne pas attaquer trop frontalement le système et d’éviter la censure. L’« instabilité (idéologique et narrative) » (p. 344) qu’elle repère dans la pièce d’Olympe de Gouge pourrait ainsi être due aux pressions exercées par la Comédie Française sur la dramaturge. C’est donc parfois au prix d’une négociation que les voix des marrons peuvent exister. Dans ces œuvres qui présentent ainsi pour la plupart « un anti-esclavagisme ferme mais modéré » (p. 185), la défense des droits des esclaves se manifeste à travers des discours qui mettent en avant des arguments économiques et moraux en faveur de l’abolition. L’argument économique est souvent convoqué, que ce soit pour évoquer la possibilité de la ruine d’un système basé sur des biens vivants, (donc capables de se soustraire à leur maître), ou pour mettre en avant l’intérêt que pourrait représenter la conversion des esclaves en travailleurs libres18.

    La vision du marronnage : par-delà le débat entre petit & grand marronnage

    7Les récits de marronnage ont pour toile de fond une colonie dont le système est sans cesse menacé par des insurrections d’esclaves. R. Danon consacre une partie de ses analyses à montrer comment les œuvres évoquent ou mettent en scène la résistance des esclaves à travers ses multiples voies, du discours contestataire à la rébellion armée en passant par l’infanticide, le suicide, la destructions des biens du colons et même, de façon plus étonnante, par le mariage19. Elle montre également que, dans les textes du xviiie siècle, le marronnage n’est pas immédiatement perçu comme quête de liberté, mais survient alors que les personnages subissent une séparation familiale ou maritale après leur capture. Le sentiment amoureux est ainsi moteur du marronnage, tant dans « Makandal, histoire véritable », que dans Oroonoko. Cependant la fuite individuelle peut évoluer vers un combat collectif, les personnages devenant alors des chefs marrons à la tête d’une armée d’esclaves révoltés. Les œuvres nourrissent ainsi un « imaginaire du marronnage » (p. 87), qui se base dès lors sur une double représentation opposant au comportement sanguinaire du rebelle la modération et la vertu d’un marron raisonnable. Les esclaves qui font preuve de violence, comme Makandal ou Ziméo sont pointés du doigt par les auteurs français qui « doi[vent] se défendre à tout prix d’encourager le marronnage, même lorsqu’il[s] mobilise[nt] toutes les ficelles de l’empathie lyrique pour nous exciter à la sympathie envers les marrons » (p. 249). Le « bon marronnage » est ainsi représenté par Moses, le héros du « Discours du chef des nègres révoltés de la Jamaïque », qui « donne l’exemple admirable d’un chef courageux dévoué à une noble cause, dont le lecteur européen peut certes craindre les effets, mais à laquelle il est conduit à s’identifier en tant que sujet moral » (p.133). La pièce d’Olympe de Gouge va plus loin encore en proposant à travers la figure de Zamore et des esclaves qui l’entourent, un modèle de « citoyens compatissants etraisonnables, et de chrétiens exemplaires »20 (p. 345).

    « Les porteurs de mémoire » : un regard vers le présent

    8Rachel Danon clôt son ouvrage en jetant un pont entre les récits de marronnages du xviiie siècle et les « porteurs de mémoire » que sont les écrivains caribéens des xxe et xxie siècles, en s’appuyant sur les œuvres d’Édouard Glissant et de Patrick Chamoiseau. Elle montre ainsi que le récit de marronnage devient à partir du xxe siècle un moyen de lutter contre l’imposition d’une représentation de l’histoire héritée de la colonisation, et passe à la fois par une quête du passé et par un refus de l’imitation des modèles européens pour proposer une alternative au discours dominant21. Après avoir évoqué le passage de « l’écriture-racine à l’écriture-rhizome » défendu par Glissant22, l’auteure revient sur les débats autour de la question du marronnage, en rappelant en particulier l’opposition entre la famille des Longué, dynastie de marrons, à celle des Béluse, esclaves demeurés sur la plantation23. En confrontant cette opposition aux textes de son corpus, R. Danon réaffirme la nécessité de prendre en compte toutes les résistances possibles, des plus spectaculaires aux plus quotidiennes. Elle trouve ainsi dans les œuvres de Chamoiseau une représentation des multiples voies d’un « marronnage urbain »24 dont elle situait les premières traces dans les textes du xviiie siècle.


    ***

    9L’ouvrage de Rachel Danon, en prenant pour objet les récits du xviiie siècle issus de la métropole, offre la possibilité d’une lecture des représentations du marron sur le temps long, investissant ainsi un domaine jusqu’alors peu exploré. Par des analyses fines et à travers l’examen d’un corpus de textes variés, l’auteure réussit le pari de montrer au lecteur comment, à travers des voix européennes, la parole des esclaves parvient à émerger. Sa quête des marrons dans la littérature présente ainsi l’intérêt d’une vision transatlantique, qui permet de mieux situer l’émergence de cette figure qui connaîtra une fortune allant croissant, jusqu’à devenir aux xxe et xxie siècles un élément central des littératures caribéennes. On remarquera à ce propos que certains des personnages des récits analysés dans Les Voix du marronnage connaîtront une destinée internationale. C’est en particulier le cas de la figure historique de Makandal (que l’on retrouve notamment en 1949 dans le célèbre roman du cubain Alejo Carpentier, El reino de este mundo) dont la postérité littéraire s’étendra dans tout l’archipel, et à qui Édouard Glissant donne un rôle majeur dans sa pièce Monsieur Toussaint. Ainsi, par ce lien qu’il permet de tisser entre les récits du xviiie siècle et quelques-uns des plus grands textes de la littérature antillaise contemporaine et par l’attachement que R. Danon montre, tout au long de son ouvrage, à restituer les luttes menées par les esclaves pour leur libération, on peut dire que son ouvrage apparaîtra lui-même au lecteur comme un « manifeste pour le marronnage » (p. 92).

    notes

    1  Voir à ce propos : Roger Little, « Une première personne si singulière qu'elle n'existe pas : hypothèses sur l'absence en français de récits autobiographiques de Noirs esclaves ou marrons », Littérature et esclavage, XVIIIe-XIXe siècles : actes du colloque « Littérature et esclavage, XVIIIe-XIXe siècles » tenu à l'Institut des sciences de l'Homme de Lyon, du 18 au 20 juin 2009, sous la direction de Sarga Moussa. Rachel Danon évoque, en les mettant de côté, les témoignages d’esclaves dans le cadre juridique. On pourra découvrir quelques-uns des ces témoignages dans la parution récente de Gilda Gonfier, Frédéric Regent et Bruno Maillard, Libres et sans fers : paroles d'esclaves, Paris, Fayard, 2015.

    2  Le terme de « marron », qui proviendrait de l’espagnol « cimarrón » est employé pour désigner un esclave rebelle. Le « marronnage » désigne par conséquent l’action du marron.

    3  Une posture pertinente, à comprendre le postcolonial comme « la présence de brouillages qui rendent plus complexe l’identification des postures adoptées par les énonciateurs » (p. 35).

    4  De nombreuses études ont été consacrées aux personnages de marrons dans les littératures antillaise et caribéenne des XXe et XXIe siècle, notamment par Marie Christine Rochman, L'esclave fugitif dans la litterature antillaise, Karthala, Paris, 2000; Richard D.E. Burton, Le Roman marron : étude sur la littérature martiniquaise contemporaine, Paris, l’Harmattan, 1997 ou Maryse Condé, Le Roman Antillais, Paris, Nathan, 1997, cités par Rachel Danon. La question a également été abordée du point de vue comparatiste et/ou des littératures étrangères par Régis Antoine, La littérature franco-antillaise. Haïti, Guadeloupe et Martinique, Karthala, 1992 ; Jean Pierre Tardieu, Del Diablo Mandinga Al Muntu Mesiánico: El Negro en la Literatura Hispanoamericana Del Siglo XX, Madrid, Editorial Pliegos, 2001 ou encore par Nelly Rajaonarivelo «Représentations du marronnage dans deux récits fictifs d’esclaves fugitifs antillais (Cuba, Martinique) : l’homme, le chien et la nature », Cahiers d’études romanes 22, 2010, en ligne : http://etudesromanes.revues.org/515.

    5  Yvan Debbasch, « Le Marronnage, Essai sur la désertion de l’esclave antillais », in L’Année sociologique, Paris, Puf, 1962.

    6  Jean Fouchard, Les marrons de la liberté, Paris, Éditions de l’École, 1972.

    7  Richard D.E. Burton, Le Roman marron : étude sur la littérature martiniquaise contemporaine, op.cit.

    8  Audrey Carotenuto, Les résistances serviles dans la société coloniale de l’île Bourbon (1750-1848), thèse, Aix-Marseille, 2006, p. 266. Rachel Danon rappelle également la classification proposée par Donatella Ruscito : « résistance socio-économique, résistance culturelle et résistance politique » (Donatella Ruscito, Tracées de la résistance et traversée de la parole dans le roman caribéen, thèse, Université de Toronto, 1999, p. 31).

    9  L’auteur évoque à ce propos aussi bien la raillerie que l’appel à la révolte des chefs marrons, en passant par le conte ou les chants. Elle rappelle également l’existence de formes d’expressions non-verbales qui sont autant de pratiques culturelles qui disent aussi la culture des esclaves, alors même que la parole est empêchée : scarifications ethniques, pratiques religieuses telles que le vaudou, médecine traditionnelle etc.

    10  Ce premier texte, paru anonymement dans le Mercure de France du 15 septembre 1787, et le second, de Abbé Prévost, publié en 1735, sont analysés dans le premier chapitre, « Le marronnage comme anecdote dans le discours journalistique ».

    11  Paru en 1745, d’après le un texte original d’Aphra Behn.

    12  Un conte philosophique publié en 1769.

    13  Dans ce chapitre, l’auteure confronte trois textes dont les narrateurs sont des marrons : Discours d’un nègre marron qui a été repris dans un combat et qui va subir le dernier supplice, de Guillaume-Antoine Lemonnier (1759) ; Discours d’un nègre à un Européen, de Doigny du Ponceau (1775) et Le Songe, suivi du discours d’un nègre conduit au supplice, de Nicolas-René Camus-Daras (1790).

    14  Un texte de 1771 de Jean-François Butini.

    15  Une pièce de 1788.

    16  On remarquera à ce propos que les auteurs des XXe et XXe siècle s’éloignent de ce type de personnages d’exception issus de rangs élevés, pour choisir des héros plus représentatifs de la population globale des esclaves. L’esclavage est ainsi condamné en tant que crime contre l’humanité, quelle qu’ait été la position sociale de l’esclave avant sa capture.

    17  Et ce, contrairement aux autres esclaves « qui cèdent aussitôt qu’on les attaque et n’en rougissent pas » (Lettres africaines, in Youmna Charara, Fictions coloniales du XVIIIe siècle, Paris, l’Harmattan, 2005, p. 269, cité par Rachel Danon p. 271).

    18  Plusieurs ouvrages, dont les Lettres africaines, proposent un modèle de développement basé sur cette transformation du système.

    19  Dans les Lettres africaines, l’auteur propose également une analyse originale du mariage de Phédima avec son ancien maître sous le prisme du marronnage : en refusant de devenir elle-même une propriétaire d’esclaves, et en demandant au contraire leur affranchissement à son mari en échange de son amour, la jeune femme refuse et résiste contre un système esclavagiste qu’elle tente de détruire de l’intérieur.

    20  Le marron, estimant devoir être puni pour avoir donné la mort à un commandeur, et craignant le désamour de son maître, s’offre au supplice. Émus par sa grandeur d’âme, les colons lui accordent une liberté qu’il n’accepte qu’à condition de pouvoir continuer à vivre auprès de ces derniers.

    21  L’auteure cite en particulier l’essai de Patrick Chamoiseau, Écrire en pays dominé (Paris, Folio, [1997] 2002) et Le Roman Antillais, de Maryse Condé (op.cit).

    22  Un passage qui se manifeste par un refus de l’essentialisme identitaire (la racine), auquel l’auteur du Discours Antillais oppose une créolisation de l’identité. Le rhizome, image qu’il empreinte à Deleuze et Guattari, lui sert dès lors de métaphore pour penser une identité métisse et transculturelle.

    23  Une représentation que critique Richard Burton, qui voit dans l’opposition entre ces deux types de comportement une double conception du marronnage, qui survaloriserait le « grand marronnage » des esclaves en fuite, aux dépens du « petit marronnage », celui des esclaves demeurés sur la plantation. Rachel Danon prend ici la défense de Glissant et rappelle avec Marie-Christine Rochmann ou Marie-José Jolivet que la vision du marron qu’il propose repose sur une conception mythique irréductible à l’aspect anthropologique (Marie-Christine Rochmann, « L’écriture du marronnage dans l’œuvre d’Édouard Glissant » [en ligne] : http://crdp-montpellier.fr/ressources/frdtse/frdtse38c.html; Marie-José Jolivet, « Libres, marrons et Créoles, ou les Amériques noires revisitées », in Cahiers d’études africaines, 1997, vol. 37, n°149, p. 993-1003).

    24  L’auteure s’appuie ici sur l’article que Christine Chivallon consacre aux écrits de Patrick Chamoiseau : « Éloge De La « Spatialité » : Conceptions Des Relations À L'espace Et Identité Créole Chez Patrick Chamoiseau » [en ligne], Espace géographique, 1996, p.113-25.

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    mots clés

    Colonie, Esclave, Études postcoloniales, Marron, Marronnage, XVIIIe siècle

    auteur

    Marine Cellier

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    Courriel : marine.cellier@casadevelazquez.org

    pour citer cet article

    Marine Cellier, « Sur les traces du marronnage. De Makandal à Zamore, voix d’esclaves dans les récits français du XVIIIe siècle », Acta fabula, vol. 17, n° 3, Notes de lecture, Avril-mai 2016, URL : http://acta.fabula.org/revue/document9786.php, page consultée le 02 mars 2021.

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