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Ma vie et moi
Parce que nous ne cessons de nous raconter notre propre existence, nous séparons mal notre identité de notre vie. Pourtant, nous n’adhérons pas à tout moment à ce qui nous arrive. Et nombreux sont ceux à qui les circonstances historiques imposent une expérience destructrice et déroutante qu’ils subissent sans pouvoir se reconnaître en elle. "Ce que ces personnes traversent est bien leur expérience de vie, mais elles n’ont pas nécessairement le sentiment que celle-ci reflète leur être profond", observe Judith Schlanger qui pose dans son dernier essai Ma vie et moi (Hermann) ces fortes questions : "comment mon identité se confond-elle (ou non) avec mon récit de vie ? En quel sens suis-je mon scénario existentiel ? En quel sens mon identité excède-t-elle ma vie ?". Elle montre au passage comment les formes de la narration fictionnelle ont pu, tout au long de l'histoire du roman, nous donner à penser ce rapport entre existence et identité. L'Atelier de théorie littéraire donne à lire quelques pages, où le picaro apparaît comme le travailleur idéal du capitalisme actuel…
La fiction et le droit

En décembre 1962, à la suite d'une année chargée en événements politiques importants (les accords d'Évian, l'attentat du Petit-Clamart et la révision de la Constitution de 1962, etc..), l'écrivain et essayiste Alfred Fabre-Luce publie un ouvrage intitulé Haute Cour qui va faire un certain bruit. Il y imaginait Charles de Gaulle, président de la République, renvoyé devant cette Cour, c'est-à-dire la juridiction politico-pénale chargée de juger, en vertu de l'article 68 de la Constitution, le chef de l'État s'il commettait une « haute trahison » En raison de la notoriété de l'auteur et de son entregent littéraire et mondain, ainsi que de la réputation de son éditeur (René Julliard), ce procès fut, juste après celui de Jacques Laurent, le procès pour offense au chef de l'État le plus médiatique. Il fut aussi suivi de près par le pouvoir en place, comme le révèle le dossier de la poursuite conservé aux archives présidentielles. L'Atelier de théorie littéraire de Fabula publie un essai encore inédit d'Olivier Beaud consacré à ce Procès d'Alfred Fabre-Luce pour offense au président de la République : La fiction littéraire confrontée au droit pénal.
Trois réductions de textes

Parce que la vie est courte et les chefs-d'œuvre nombreux, et parce que les plaisanteries les plus courtes sont souvent les meilleures, l'Atelier de théorie littéraire inaugure une rubrique inattendue : à l'entrée Réduction de textes, on pourra lire une oulipienne Réduction de Bérénice, par Volker Schröder (2013), un efficient Barbier de Seville en vingt minutes, par Marc Douguet (2012), et un commode Misanthrope en trois actes, par Marc Escola (2009). D'autres propositions peuvent être librement soumises à l'adresse atelier@fabula.org.
Le style potache

Après La Littérature à l’ombre. Sociologie du Zutisme (2012) et Le Dictionnaire détourné (2013), Denis Saint-Amand se penche sur Le style potache: originellement lié au domaine scolaire, le terme potache désigne d’abord un élève d’âge moyen, collégien ou lycéen, avant de renvoyer à des figures perturbatrices comme le Calvin de Bill Waterson, le jeune Antoine Doinel ou Bart Simpson ; mais la la potacherie peut s’envisager aussi comme une manière d’être, d’agir, de penser : porté par l’intérêt au désintérêt, celui qui l’incarne goûte peu le caractère officiel et prescriptif des institutions, traque les formes de violence symbolique et tourne en dérision les dominants. L'entrée Humour" de notre Atelier de théorie littéraire accueille l'introduction du volume. Paraissent dans le même dans la Nouvelle collection Langages refondée par Daniel Sangsue aux éditions La Baconnière: Sartre et Beauvoir. Roman et philosophie, de Jean-François Louette, et Mythologies d'un style. Les Éditions de Minuit de Mathilde Bonazzi.
Littérature, linguistique, sémiotique

Sous le titre Mondes à l’envers. De Chamfort à Samuel Beckett (Classiques Garnier), François Rastier faisait paraître il y a quelques mois un essai qui postulait que "la littérature remplit sa fonction critique en créant des mondes. Les projets esthétiques restent inséparables des projets éthiques qui visent à révéler, transformer, voire subvertir l’ordre existant." Fabula vous invite à en lire l'avant-propos… L'Atelier de théorie littéraire accueille aujourd'hui, à l'entrée linguistique, un entretien de François Rastier avec Lia Kurts intitulé "Littérature, linguistique et sémiotique des cultures. Pour surmonter quelques malentendus".
(Illustr.: V. Kandinsky - Accord réciproque, 1942)
Glossaire de narratologie

Le Réseau des narratologues francophones élabore un glossaire traduisant et définissant des concepts de théorie du récit circulant dans les travaux étrangers, notamment anglophones, de manière à encourager une circulation internationale et pluriculturelle des savoirs. L'Atelier de théorie littéraire de Fabula est heureux de relayer ce travail en donnant accès aux cinq premières entrées de ce glossaire : "Narratologie postclassique", par R. Baroni, "Remédiatisation", par J. Baetens, "Disnarré", par G. Prince, "Monde narratif", par A. Goudmand, "Narratologie transmédiale", par R. Baroni et A. Goudmand (Université de Lausanne), "Narrateur non-fiable", par F. Wagner.
L'écrivain transfuge social

L'Enfant comme Le Bachelier et L'Insurgé posent très tôt une question, bientôt mise à l'ordre du jour de la Troisième République, celle de "l'enfant pauvre qui réussit", promu par l'école. Les romans de J. Vallès dramatisent l'écart entre la culture populaire (orale) et l'entrée dans l'univers de la bourgeoisie (écrit), ils questionnent la literacy comme processus d'acculturation aux mondes de l'écrit. La trajectoire du transfuge social est un motif littéraire émergent des années 1850-70, nourri chez Jules Vallès de son expérience personnelle mais aussi de la lecture des Confessions de Rousseau et de Dickens. L'Atelier de Fabula redonne à lire un article de Jérôme Meizoz qui s'attache à la postérité de ce motif, sous le titre "Lettrés contrariés et batailles de voix après Jules Vallès : Henri Calet, Annie Ernaux, Gaston Cherpillod, Édouard Louis".