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Retour des fantômes
La dernière livraison de la revue Critique (n° 884-885), intitulée «Le grand retour des fantômes» et coordonnée par Irène Salas et Yves Hersant, propose une anthologie de l'«hantologie» en postulant que les revenants et autres spectres investissent tout le domaine de l’humain depuis le début du XXIe siècle. Le sommaire que l'on peut lire sur Cairn réunit quinze chercheurs et chercheuses d'horizons divers portant sur la hantise généralisée qui caractérise notre époque. L'idée d'une émergence d'un temps contemporain des fantômes rappelle les problématiques évoquées dans le numéro 13 de notre revue Fabula-LhT portant sur «La bibliothèque des textes fantômes» (2014), apparié à un dossier critique d'Acta fabula, tous deux consacrés à ces textes «spectraux» qui n'existent qu'au sein d'une autre œuvre. Ces livres décrits dans des livres suscitent l'engouement : en témoignent le récent ensemble consacré aux «Chefs d'oeuvre inconnus au XIXe siècle» parmi les Colloques en ligne de Fabula ou l'actuel séminaire de William Marx au Collège de France consacré aux bibliothèques invisibles.
Faire ses exercices

Tous les arts requièrent de s’exercer, mais c'est une exigence encore peu étudiée, notamment par la recherche qui préfère les formes advenues à ce qui les a fait advenir. Un récent sommaire de Methodos, dirigé par Bernard Sève et Sarah Troche et intitulé « L’exercice en art » aborde la question sous un angle pluridisciplinaire. L’ensemble des contributions montre que si l’exercice artistique tend à développer de nouvelles capacités, il vise aussi à se déprendre de conditionnements gestuels et perceptifs. On trouvera notamment au sommaire des réflexions sur le travail de Francis Ponge, dont les éditions Gallimard viennent de republier La Fabrique du pré, ouvrage où le poète révèle et médite la genèse d'un de ses poèmes : donner priorité au processus créateur sur le produit final, telle est peut-être l'une des leçons majeures de la poétique, sinon son sens même.
Fabula compte jusqu'à 100 000

Après avoir fêté l'an dernier sa vingtième année d'existence, Fabula affiche en ce premier février 2021 sa 100 000e page d'actualité, qui vient heureusement saluer un nouvel essai que Judith Schlanger, au titre lui-même bienvenu : Une histoire de l'intense (Hermann). La philosophe y offre une relecture de Guerre et paix pour méditer sur les liens entre Histoire et violence — une Histoire pensée par Tolstoï comme la façon dont un désordre immaîtrisable vient remettre en question intentions, projets et initiatives humaines. Fabula vous invite à découvrir un extrait de l'ouvrage… Cette date dans l'histoire du site nous est encore une occasion de rappeler la belle méditation que Judith Schlanger nous avait offerte pour le numéro de Fabula-LhT intitulé "L'écrivain préféré" (mars 2008) sous le titre "La pauvreté enchantée", ainsi que les comptes rendus de ses précédents essais proposés par Acta fabula : Présence des œuvres perdues (2010), Le Neuf, le différent et le déjà-là (2014).
Les bibliothèques invisibles

Une page se tourne. Une semaine après la leçon de clôture qu'Antoine Compagnon a donnée au Collège de France, William Marx commence son deuxième cours le mardi 19 janvier sur ces bibliothèques invisibles qui hantent tout lecteur, ces livres perdus ou oubliés, ces œuvres fantasmées, ces mondes parallèles qui approfondissent et donnent tout leur relief aux bibliothèques bien visibles qui nous entourent. Le cours et le séminaire qui l'accompagnera chaque semaine jusqu'au mois d'avril 2021 seront ainsi l'occasion de s'intéresser à des littératures autres, à des livres qui se trouveraient dans d'autres bibliothèques, d'autres étagères et selon d'autres canons. Autant de possibles et de questions qui prolongeront le cours sur la bibliothèque des étoiles nouvelles, donné l'an dernier.
(Illustration ©Jean-François Rauzier)
Latour et la crise du présent

Auteur prolifique, à l’origine d’un des corpus précurseurs de la sociologie pragmatique, puis d’une nouvelle pensée politique de l’environnement, Bruno Latour signe un essai sur le confinement et ses « leçons à l’usage des terrestres » aux éditions La Découverte. La même maison fait paraitre simultanément un volume collectif autour de ses travaux, Le cri de Gaïa. Penser la Terre avec Bruno Latour qui revient sur Face à Gaïa, ouvrage dans lequel Bruno Latour discutait de l’hypothèse du même nom et entendait en inverser le sens politique : sommes-nous sur la Terre ou face à elle ? Un autre livre collectif paru il y a quelques mois, cette fois-ci anglophone et à l’initiative de Rita Felski, entendait faire le point plus largement sur les apports de la pensée latourienne aux sciences humaines. Ces temps d’isolation où les théâtres gardent portes-closes sont aussi l’occasion de découvrir les conférences performées du philosophe, certaines captations étant accessibles en intégralité sur son site.
Recueils et anthologies à l’époque moderne

Au terme d'un travail collectif qui aura duré deux ans, le Groupe d’analyse de la dynamique des genres et des styles (GADGES, IHRIM-Lyon 3) fait paraître à l'initiative de M. Bombart, M. Cartron et M. Rosellini un riche sommaire sur la publication massive de recueils et d’anthologies en France à l’époque moderne. Si l’anthologie – qui est un cas particulier du recueil mais également un genre à part entière – a donné lieu à des études historiques et littéraires spécifiques, le recueil – sous sa forme éditoriale et plus encore sous sa forme bibliographique (le recueil factice) – restait un objet à construire, au croisement de plusieurs disciplines, principalement l’histoire de l’édition, l’histoire littéraire et l’histoire de la lecture. Cette 17e livraison de la revue Pratiques & formes littéraires 16-18 (Cahiers du GADGES), fait suite à un volume consacré au « recueil Barbin » (1692), et précède un sommaire à paraître sur les « recueils factices ». À terme, l'équipe aura proposé un triptyque pour mieux comprendre la place décisive de la forme recueil dans la formation du champ littéraire de la première modernité et, plus largement, dans la constitution et la transmission des savoirs de ce temps.
« Quindecim annos, grande mortalis aevi spatium »

Après quinze années passées au Collège de France à la chaire de "Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique et théorie", Antoine Compagnon a donné sa leçon de clôture mardi 12 janvier à 17h45, sous un intitulé emprunté à Tacite: "Quindecim annos, grande mortalis aevi spatium" — c'est un long intervalle que quinze ans dans la vie d'un mortel. Cette conférence, prononcée à huis clos mais diffusée en direct, reste accessible sur le site Internet du Collège de France. Les liens entre Fabula et Antoine Compagnon sont forts, anciens et nombreux ; il a su accompagner le développement du site à des moments importants. Nous lui en sommes reconnaissants. Lui qui prétendait "jouer la littérature à la hausse" dans sa leçon inaugurale, "La littérature pour quoi faire ?", n'a cessé de la servir. Et le fera encore.