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Voltaire et la nature : un

Voltaire et la nature : un "philosophe champêtre" ? (Cahiers Voltaire)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Béatrice Ferrier)

Voltaire et la nature : un « philosophe champêtre » ?

Cahiers Voltaire, 2020

 

Si la protection de la nature est au cœur de nos préoccupations actuelles, il semble intéressant de la mettre en regard de la pensée foisonnante des Lumières, dans la lignée des récents travaux dirigés par Gérard Chazal, selon une perspective historique qui s’inscrit dans le courant de l’écocritique. Comme en témoigne l’ouvrage fondateur de Jean Ehrard, nombreux sont les écrits littéraires, philosophiques, scientifiques du XVIIIe siècle, relatifs à la nature, précisément à l’heure d’une remise en question de la place de Dieu. Citons, pour exemples de ces approches plurielles et singulières, les travaux de Buffon, les explorations scientifiques de Maupertuis et Clairaut, les récits de voyages, les traités sur les contrées nouvelles dont la célèbre Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal maintes fois rééditée, les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, etc.

Dans cette liste à peine ébauchée, le nom de Voltaire ne vient pas immédiatement à l’esprit. Pourtant force est de constater que la nature est prépondérante dans sa pensée, que ce soit en filigrane ou de manière explicite, et qu’elle occupe une place majeure dans sa vie, à Cirey sans doute, mais surtout à Ferney. La vie de l’homme en a-t-elle influencé les idées ? À ce titre, l’œuvre philosophique fait-elle l’objet d’inflexions (en diachronie) depuis les écrits d’influence lockienne ou newtonienne jusqu’aux essais plus spécifiques, Les Singularités de la nature par exemple, dont une réédition a été établie en 2017 par Gerhardt Stenger ? Qu’en est-il au sein du corpus poétique, des fresques historiques aux poésies fugitives et autres pièces de circonstance ? Des interrogations similaires s’imposent s’agissant de l’œuvre dramatique mais aussi des contes où le merveilleux déploie parfois des accents épicuriens. Chacun des corpus ainsi isolé peut encore entrer en résonance ou en contradiction avec des écrits de visée différente, ce qui appelle aussi questionnements et commentaires. Aussi souhaiterions-nous interroger les rapports que Voltaire entretient avec la nature dans sa vie ordinaire, dans sa vie d’homme de lettres, dans ses conceptions philosophiques, pour mettre en évidence et étudier les traits caractéristiques d’une pensée de la nature, éventuellement accordés à ceux de l’existence vécue. Quels regards peut-on porter sur celui qui se définissait comme un « philosophe champêtre » (D10852) ? Que retenir de la nature, non seulement comme sujet de la réflexion théorique de Voltaire, mais aussi comme réalité vécue, de manière plus ou moins harmonieuse au quotidien ?

Le questionnement portera moins spécifiquement sur les postures scientifiques de Voltaire – étudiées en 2015 lors de la journée « Voltaire et la science » (Société Voltaire, en partenariat avec le SYRTE à l’Observatoire de Paris) – que sur ses façons d’envisager la nature, selon trois pistes qui ne sont pas exclusives les unes des autres et que nous proposons à titre indicatif :

  • La nature comme réalité environnementale et mode d’existence du patriarche. Voltaire, à Cirey ou Ferney, ne prend-il pas plaisir à domestiquer cette nature qu’il juge souvent inhospitalière ? Ne cultive-t-il pas, dans une bivalence qui rappelle celle de la formule finale de Candide, la vie culturelle dans l’ermitage rupestre qu’il a choisi ?
  • La nature comme objet d’observation et de réflexion philosophique autour de la place de Dieu dans l’univers. Le philosophe ne cesse d’interroger la part divine dans la Création, tout en ridiculisant Le Spectacle de la nature de l’abbé Pluche et en refusant d’adopter une pensée matérialiste jugée dangereuse par l’athéisme qu’elle suppose. Qu’en est-il exactement ? Le dieu de l’univers se manifesterait-il dans une nature « sacralisée » ?
  • La nature comme stéréotype littéraire qui innerve l’œuvre fictionnelle de l’écrivain. Certes les décors d’opéra inspirés de la pastorale ou les élans épicuriens de la poésie peuvent sembler convenus ; toutefois, sous la plume de Voltaire, ils ne sont pas toujours gratuits. Les représentations de la nature pourront donc également être interrogées du point de vue des genres littéraires, dans l’articulation que le lecteur peut parfois établir entre fonction narrative ou poétique et portée philosophique ou dimension spirituelle.

De la complémentarité et de la mise en tension de ces diverses approches, nous espérons faire naître des éléments de discussion qui entreraient en résonance avec les débats actuels et qui, le cas échéant, seraient susceptibles d’ouvrir des pistes de réflexion ultérieures autour de « Voltaire et la Nature ».

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Les contributeurs feront part de leur intérêt aux coordinatrices (Béatrice Ferrier, Stéphanie Géhanne Gavoty, Ulla Kölving) avant le 15 juin 2019 à l’adresse suivante : cahiers@societe-voltaire.org

Les articles sont attendus le 29 février 2020. Ils ont vocation à être publiés dans les Cahiers Voltaire après avis du Comité de lecture.