Actualité
Appels à contributions
Littérature et arts au XIXe siècle : questions de genre (revue Romantisme)

Littérature et arts au XIXe siècle : questions de genre (revue Romantisme)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Éléonore Reverzy)

 

Romantisme – numéro 2018-1

 

Littérature et arts au XIXe siècle : questions de genre

 

 

Dossier coordonné par Christine Planté et Damien Zanone

 

Romantisme a déjà abordé à plusieurs reprises et de diverses façons la question de la place des femmes dans l’histoire littéraire et artistique du XIXe siècle, et plus largement dans son histoire culturelle : tout d’abord, en envisageant les femmes comme des objets de représentation toujours prêts à être subsumés sous l’espèce générique « la femme » (avec les dossiers « Voix de femmes » en 1971, « Mythes et représentations de la femme » en 1976 et « Femmes écrites » en 1989) ; par la suite, en écoutant davantage le discours porté par les femmes elles-mêmes (avec les dossiers « Les femmes et le bonheur d’écrire » en 1992, « Pouvoirs, puissances : qu’en pensent les femmes ? » en 1994, « Savoirs de jeunes filles » en 2014). La question des sexualités a été abordée dans les numéros « Sodome et Gomorrhe » en 2013 et « La pornographie » en 2015. La revue souhaite aujourd’hui réunir des études qui s’inscrivent dans une perspective de genre : plutôt que de traiter des femmes, il s’agit d’interroger la différence des sexes comme une construction sociale et culturelle résultant d’un processus complexe qui assigne les individus à des rôles complémentaires et hiérarchisés. On souhaite, dans cette perspective, penser la singularité éventuelle du XIXe siècle comme période et comme objet d’étude.

 

En tant que période, le XIXe siècle peut être vu comme le moment où l’on prétend fonder en nature, avec la force persuasive accordée à l’évidence, un nouvel ordre du rapport entre les sexes qui s’impose autant à la gouverne du présent qu’à la relecture du passé. On a pu avancer que le dernier tiers du XVIIIe siècle a vu l’émergence d’un « modèle à deux sexes » (Thomas Laqueur), favorisant l’élaboration d’une « démocratie exclusive » (Geneviève Fraisse). Cette démocratie, pour établir l’égalité entre les hommes, exclut sans le dire les femmes de l’espace public et des affaires de la cité en les assignant à la sphère privée. Il faut s’interroger sur les conséquences d’une telle exclusion dans le champ de la littérature et des arts qui relèvent aussi de l’espace public et qui peuvent constituer un moyen pour les femmes d’accéder à celui-ci. Dans un contexte de redéfinition simultanée de la littérature dans ses limites, ses fonctions et ses hiérarchies, et des rôles et modèles sexués, surgissent des discours qui cherchent avec une vigueur renouvelée à interdire l’exercice de la littérature et des arts aux femmes, ou du moins à l’encadrer strictement, en limitant les pratiques d’écriture et les genres qui leur sont permis, les sujets qui leur sont autorisés, ou encore les supports et les lieux d’édition accessibles pour elles.

 

En tant qu’objet d’étude, le XIXe siècle a souvent été vu à travers les normes et les catégories qu’il avait lui-même produites ; la critique, l’école, l’université et l’édition les ont le plus souvent reconduites comme des évidences. Sans doute une grande importance a-t-elle été accordée aux représentations des femmes et aux femmes comme thème, mais il ne semble pas que le genre se soit imposé dans la tradition française comme une grille d’analyse invitant à considérer la relation entre deux termes (femmes/hommes, masculin/féminin), à dissocier le masculin de l’universel, à contester l’imposition morale et la naturalisation de la norme hétérosexuelle. On n’a guère cherché non plus, du moins jusqu’à très récemment, à comprendre ni à remettre en cause l’extrême minoration des femmes créatrices dans le canon. On est donc loin d’une redéfinition des paradigmes disciplinaires et d’un renouvellement des perspectives que Joan Scott en 1986 appelait de ses vœux, dont on mesure les effets lorsque, par exemple, les historiens cessent de parler du suffrage universel pour désigner le seul suffrage masculin.

On souhaite adresser ces questions à l’ensemble de la production littéraire, intellectuelle et artistique du XIXe siècle, sans les couper des enjeux philosophiques, politiques et sociaux. Parmi les sujets qu’on aimerait voir abordés, nommons, sans exclusive :

  • la fabrique des normes, ou la représentation des rôles sexués : on peut voir la littérature et les arts comme des lieux de diffusion de normes préétablies, ou de mise en cause, d’inflexion et d’invention de nouveaux modèles, plus ou moins perméables, par exemple, au discours médical et aux travaux des aliénistes qui prétendent intervenir dans la définition du féminin. La redéfinition des rôles et comportements féminins s’accompagne de nouvelles prescriptions quant aux rôles et comportements masculins.

  • le discours esthétique et les notions de création, de génie, d’imitation : l’histoire de la littérature et des arts de ce siècle, longtemps occupée à célébrer de « grands écrivains » et de « grands artistes » entendus comme des « grands hommes », met-elle en place des mécanismes repérables de relégation des « grandes » écrivaines et artistes ? La sacralisation des arts et de la littérature est-elle un moyen de placer ceux-ci en dehors du débat sur les sexes ? Le discours sur le genre croise-t-il celui qui oppose l’originalité à l’imitation ? Intervient-il dans l’élaboration d’un discours sur le style ?

  • la question du canon : la constitution d’un patrimoine et d’une culture nationale fait-elle place aux œuvres de femmes ? L’identification par l’histoire littéraire de périodes et d’écoles, comme unités d’ordonnancement de son récit, a-t-elle contribué à l’imposition d’une vision genrée défavorable aux femmes créatrices ?

  • le genre des genres : les discours sur les genres (littéraires et artistiques) sont-ils, ou non, porteurs au XIXe siècle de contenus sexués et d’un ordre social de genre ? S’ils le sont, cela s’opère-t-il à travers la présentation des auteurs ? la valorisation des modèles ? la définition et la représentation des lecteurs / lectrices de l’un ou de l’autre sexe ? dans les hiérarchies entres genres majeurs et mineurs ?

  • la réception, ou prise en compte de la diversité des publics : la démocratisation de la lecture conduit-elle à faire évoluer les discours sur le public en différenciant entre lecteurs et lectrices ? quelles stratégies, de publication et d’appropriation, commandent les normes de genre, et leur contestation ?

  • la dimension nationale : y a-t-il une singularité française dans ce domaine ? La question peut s’envisager aussi bien concernant le XIXe siècle comme période (tradition politique, langue, production littéraire et artistique) que comme objet d’étude (protocoles de lecture et d’analyse). Qu’en est-il, par exemple, de la sollicitation dans le discours critique français contemporain de catégories répandues dans la recherche menée dans d’autres pays, comme celles d’agentivité, empowerment, intersectionnalité ?

 

Les propositions d’article (avec titre et résumé d’une page maximum, ainsi qu’une courte présentation bio-bibliographique) sont à envoyer à Christine Planté (Christine.Plante@univ-lyon2.fr) et à Damien Zanone (damien.zanone@uclouvain.be) avant le 15 janvier 2017. Les articles, d’une longueur maximale de 30000 signes (espaces compris) seront à envoyer avant le 15 septembre 2017.