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Relectures politiques du corpus franco-canadien hors Québec : enjeux féministes, queer et intersectionnels (Regina)

Relectures politiques du corpus franco-canadien hors Québec : enjeux féministes, queer et intersectionnels (Regina)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Pierre-Luc Landry)

Congrès des sciences humaines

Colloque de l'APFUCC (Association des professeur.e.s de français des universités et collèges canadiens)

Atelier 7. Relectures politiques du corpus franco-canadien hors Québec : enjeux féministes, queer et intersectionnels

« [L]es itinéraires du langage qui n’affleurent que très partiellement à notre conscience balisent nos paroles, ouvrent et ferment des issues », écrivait Fernand Dumont. Les discours critiques entourant la littérature québécoise et les littératures franco-canadiennes ont été et continuent d’être attentifs aux questions socio-identitaires, notamment aux enjeux linguistiques et institutionnels, mais aussi aux questions du genre, de l’identité sexuelle et de la race, notamment autour des écritures migrantes, d’abord, puis des écritures autochtones. Ces lectures, à l’écoute des paroles minoritaires, contribuent à doter les corpus d’une portée résolument politique : leur existence est elle-même politique. Le minoritaire, ce peut être une identité soustractive, centrée sur « l’identité-racine » : nous souhaitons nous intéresser plutôt aux intersections, à « l’identité-relation » (Glissant), dans le cadre de l’étude des littératures franco-canadiennes hors Québec. Il ne s’agit pas de chercher à opérer un « dépassement du récit socio-identitaire » (Ouellet) par l’effacement, mais, au contraire, par la visibilité.

Dans Écrire au féminin au Canada français, Johanne Melançon dressait le constat suivant : « depuis le début des années 1970, plusieurs femmes ont pris la parole en Acadie, en Ontario français et dans l’Ouest, mais peu d’œuvres ont été jusqu’à maintenant étudiées ». C’est pourquoi elle proposait, dans son ouvrage, « de se pencher sur l’écriture de ces femmes » plutôt que d’élaborer « un ensemble de “critiques au féminin” ». Intitulé Relectures politiques du corpus franco-canadien hors Québec : enjeux féministes, queer et intersectionnels, notre atelier entend à la fois poursuivre et déplacer cette réflexion. Nous invitons en effet les chercheur·e·s à étudier de manière critique, dans le texte et le hors-texte des littératures franco-canadiennes produites hors Québec, les représentations des rapports sociaux de sexe, de genre, de classe, de capacité, d’ethnicité, de race, d’âge, d’orientation sexuelle, etc., dans une perspective résolument intersectionnelle. L’intersectionnalité « apport[e] une nouvelle complexité à la compréhension des hiérarchies et des rapports de domination » et « permet de révéler une réalité plus complexe » dans laquelle les oppressions « interagissent de façon dynamique » (Maillé, 2014). Elle permet, de fait, de s’adonner à des lectures qui souhaiteront aller au-delà des récits socio-identitaires canoniques, eux-mêmes calqués sur une sociologie littéraire mésadaptée à la mobilité grandissante des idées et des valeurs, et qui entre en contradiction avec les volontés de décolonialisme exprimées par nombre de minorités.

L’atelier visera plus spécifiquement à comprendre de quelles manières s’articulent ces enjeux politiques, identitaires et sociaux dans le discours littéraire franco-canadien. À titre d’exemple, les participant·e·s pourraient analyser les stratégies de déstabilisation du genre — qu’il s’agisse du déplacement et du travestissement des catégories de sexe ou de genre, ou de leur complète neutralisation — et la construction des rapports de domination dans la représentation des sexualités ou dans celle des relations sociales, matérielles, économiques raciales, etc. Les participant·e·s pourraient ainsi se pencher sur la construction des subjectivités en se demandant par exemple comment le sujet franco-canadien, déjà dominé en raison de son statut de minorité linguistique, joue avec — voire performe — ces autres formes de domination que peuvent constituer le sexe, le genre, la race, la sexualité, les classes sociales, le handicap, etc.

D’emblée inclusif, l’atelier sera ouvert aux études féministes, aux études postcoloniales et décoloniales, aux analyses politiques de textes littéraires, à l’analyse du discours, à la sociocritique, à la narratologie et aux théories de la réception, etc. L’étude de tout texte des francophonies canadiennes (hors Québec) sera donc la bienvenue. Une attention toute particulière pourra être portée aux textes écrits dans des auteurs ou des autrices issu·e·s des communautés minoritaires (Autochtones, Inuits, membres des Premières Nations, auteurs et autrices en situation de handicap, auteurs et autrices LGBTQ+, personnes racisées, etc.), mais de manière non exclusive. De plus, la lecture critique d’œuvres « problématiques », orientée par le féminisme, le queer ou l’antiracisme, par exemple, pourra être proposée.

Voici, de manière non exhaustive, quelques-unes des œuvres littéraires des francophonies canadiennes hors Québec qui pourraient être abordées par les intervenant·e·s lors de cet atelier. Cette liste n’est en aucun cas restrictive et connaît de nombreux points aveugles. Les chercheurs et chercheuses sont invité·e·s à réfléchir à toute œuvre qui leur semble pertinente afin d’identifier les enjeux de genre, de sexe, de race, de classe, etc., dans les littératures des francophonies canadiennes hors Québec.

  • Dans les provinces de l’Ouest et dans le Nord du Canada :
    • Des enjeux féministes sont abordés par l’écrivaine Ying Chen, en particulier dans ses œuvres les plus récentes (Payette, 2014) ;
    • Certains ouvrages rédigés par des femmes peuvent révéler un rapport ambivalent au féminisme ; ainsi, l’œuvre de Marguerite A. Primeau oscille entre l’« innovation » et le « conservatisme » (Tessier, 1988) ;
    • L’œuvre de Gabrielle Roy soulève elle aussi des enjeux féministes ;
    • Nous pourrions également nous questionner sur les romans de Roger Léveillé (J. R. Léveillé) : quelle place y occupent les personnages de femmes, par exemple la voix féminine d’Une si simple passion ?

 

  • En Acadie et dans les provinces de l’Atlantique :
    • L’écrivaine France Daigle, en particulier dans ses premiers romans, représente des personnes androgynes ou dont les identités de genre et la sexualité défient les conventions hétéronormatives ;
    • Gérald Leblanc, qui met parfois en scène, dans ses œuvres, des rapports amoureux homosexuels ;
    • La poète Georgette LeBlanc dont l’œuvre aborde la question des rapports de genre et la place des femmes dans la société ;
    • Herménégilde Chiasson, qui problématise la question des genres sexuels, en particulier dans ce que Pénélope Cormier appelle ses « recueils-inventaires » (2014) ;
    • Le roman mépapasonla de Alain Pierre Boisvert met en scène une famille acadienne biraciale, homoparentale et reconstituée, dans un scénario que Pierre-Luc Landry a qualifié de « contingen[t] à la société capitaliste et bien pensante dont le récit chante les louanges, dans une large mesure » (2016) ; on pourra s’interroger sur l’homonormativité de certaines productions littéraires franco-canadiennes, entre autres sujets.

 

  • En Ontario :
    • L’écrivaine Marguerite Andersen a mis en scène, dans de très nombreux ouvrages, d’aussi nombreux enjeux féministes qu’il serait fort pertinent d’interroger ;
    • Plusieurs auteurs et autrices « migrant·e·s » ont problématisé, dans leurs œuvres, les enjeux de race, de religion et d’exil, parfois, que l’on pense à Hédi Bouraoui, Didier Leclair, Monia Mazigh, Melchior Mbonimpa et Arash Mohtashami-Maali, par exemple ; de plus, la poésie d’Angèle Bassolé-Ouédraogo « établit un dialogue incantatoire avec les grands écrivains de la négritude » (Paré, 2010) en convoquant un large intertexte africain ;
    • Alain Bernard Marchand a fait paraître plusieurs œuvres dans lesquelles des personnages masculins et homosexuels remettent en question la contrainte à l’hétérosexualité, pour reprendre l’expression d’Adrienne Rich (1980) ; de la même manière, Paul-François Sylvestre a publié une série de romans dans lesquels l’homosexualité masculine est au cœur du propos ; on pourra également discuter du premier titre homoérotique franco-ontarien, publié sous pseudonyme et retiré de la circulation avant même d’être disponible sur le marché : Hermaphrodismes, paru chez Prise de Parole en 1975 (Sylvestre, 1997) ; d’autres auteurs, autant de poésie, de théâtre que de roman, pourront être convoqués : Yves Gérard Benoit, Bruno Gaudette, André Perrier, Jean Éthier-Blais, Robbert Fortin, Nancy Vickers, etc. ;
    • L’œuvre poétique de Nathanaël (Nathalie Stephens) interroge tout à la fois l’identité sexuelle, l’appartenance religieuse, la langue, l’altérité et le genre (autant « sexuel » que littéraire), ainsi que « les ruptures profondes de la marginalité identitaire » (Paré, 2010) ;
    • Gaston Tremblay, dans La veuve rouge (1986), « évoque, par une série de vignettes autobiographiques, la figure amoureuse, alternativement masculine et féminine » (Paré, 2010).

 

Responsables de l’atelier

Marie-Andrée BERGERON, University of Calgary, marieandree.bergeron@ucalgary.ca

Pierre-Luc LANDRY, Collège militaire royal du Canada,  Pierre-Luc.Landry@rmc.ca

Francis LANGEVIN, University of British Columbia (Okanagan), francis.langevin@gmail.com

 

Date limite pour l’envoi des propositions (250-300 mots) : le 15 décembre 2017

Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message de l’organisateur/de l’organisatrice de l’atelier avant le 15 janvier 2018 les informant de sa décision.

L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il est également d’usage de régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. Ils doivent être réglés avant le 31 mars 2018 pour bénéficier des tarifs préférentiels. La date limite pour régler les frais de conférence et l’adhésion est le 15 avril 2018 au-delà de quoi le titre de votre communication sera retiré du programme.

 

Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication pour le colloque de 2018. Toutes les communications doivent être présentées en français (la langue officielle de l’APFUCC) en personne, même dans le cas d’une collaboration.

 

Textes cités

BUTLER, Judith, Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, New York, Routledge, coll. « Thinking Gender », 1990, 172 p. 

COMMISSION DE VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DU CANADA, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir. Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, Montréal et Kingston, London et Chicago, McGill-Queen’s University Press, 2015, 584 p.

CORMIER, Pénélope, Écritures de la contrainte en littérature acadienne. France Daigle et Herménégilde Chiasson, thèse de doctorat, Université McGill, 2014, 267 p.

CRENSHAW, Kimberlé, « Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », dans Stanford Law Review, vol. 43, n° 6, 1991, p. 1241–1299.

DUMONT, Fernand, Le lieu de l’homme, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2008, 274 p.

GLISSANT, Édouard, Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990, 248 p.

HOTTE, Lucie et Johanne MELANÇON (dir.), Introduction à la littérature franco-ontarienne, Sudbury, Prise de Parole, coll. « Agora », 2010, 283 p.

LANDRY, Pierre-Luc, « Portrait d’une famille de province pas indocile du tout », dans Liaison, numéro 172, 2016, p. 53.

MAILLÉ, Chantal, « Approche intersectionnelle, théorie postcoloniale et questions de différences dans les féminismes anglo-saxons et francophones », dans Politique et Société, volume 33, numéro 1, 2014, p. 41-60.

MELANÇON, Johanne (dir.), Écrire au féminin au Canada français, Sudbury, Prise de Parole, coll. « Agora », 2013, 316 p.

PARÉ, François, Les littératures de l’exiguité, Hearst, Le Nordir, 1992, 175 p.

PARÉ, François, « La poésie franco-ontarienne », dans Lucie HOTTE et Johanne MELANÇON (dir.), Introduction à la littérature franco-ontarienne, Sudbury, Prise de Parole, coll. « Agora », 2010, p. 113-152.

OUELLET, François, « Le roman de l’écriture au féminin », dans Ali REGUIGUI et Hedi BOURAOUI (dir.), Perspective sur la littérature franco-ontarienne, Sudbury, Prise de parole, 2007, p. 107-125.

PAYETTE, Isabelle, Étude des tensions au sein de la cellule familiale dans l’œuvre de Ying Chen, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2014, 119 p.

RICH, Adrienne, « Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence », dans Signs : Journal of Women in Culture and Society, volume 5, numéro 4, 1980, p. 631-660.

SYLVESTRE, Paul-François, « Le dire homosexuel en Ontario français », dans Liaison, numéro 92, 1997, p. 12-13.

TESSIER, Jules, « La dialectique du conservatisme et de l’innovation dans l’œuvre de Marguerite Primeau », dans Monique BOURNOT-TRITES, William BRUNEAU et Robert ROY (dir.), Les outils de la francophonie. Vancouver et Winnipeg, Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest, 1988, p. 186-204.