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Presse et représentations dans le monde hispanique contemporain 2. Presse & genres (Toulon)

Presse et représentations dans le monde hispanique contemporain 2. Presse & genres (Toulon)

Publié le par Romain Bionda (Source : Jules Sorbac)

Journées d’études (2018-2021)  : « Presse et représentations dans le monde hispanique contemporain »

Appel à communication n° 2 : « Presse & genres »

13 septembre 2019

 

Organisateurs : Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (IHRIM, UMR 5317, ENS de Lyon) et BABEL (EA 2649, Université de Toulon).

Responsables : Evelyne Coutel (MCF Espagne contemporaine) et Jules Sorbac (PRAG Espagnol, Amérique latine contemporaine).

 

Nombreux furent les intellectuels qui, à l’aube du XXe siècle, soulignèrent la place centrale que la presse avait acquise dans la société, s’inquiétant parfois de son pouvoir d’influence sur les lecteurs. Tout au long du XXe siècle, journaux et revues spécialisées ont en effet tenu un rôle de premier plan dans la construction des systèmes de représentation en transmettant un point de vue, des opinions, des idées qui affectent tous les secteurs d’une société : la politique, la culture, les relations humaines, les comportements individuels et collectifs.

Néanmoins, en dépit de l’intérêt qu’elle présente pour comprendre les phénomènes socioculturels dans toute leur complexité, certains chercheurs en sciences humaines semblent encore utiliser la presse comme une source secondaire ponctuelle, permettant simplement d’étayer une analyse ou d’illustrer une démonstration. Il est vrai qu’elle constitue un objet d’étude difficile à appréhender, que ce soit du fait de l’ampleur du corpus et de son caractère hétéroclite, ou des conditions d’accès aux sources et de l’état de conservation fragmentaire selon les journaux, les pays et les époques. L’ère du numérique ouvre de nouvelles perspectives mais ne change que partiellement la donne.

Dans la lignée de l’histoire culturelle[1], des sciences de l’information et de la communication et des initiatives visant à développer la recherche sur la presse – concernant l’hispanisme français, il convient de citer l’association PILAR –, la proposition scientifique de ces journées d’études est de porter un regard global sur les représentations que la presse contribue à construire dans le monde hispanique à différents niveaux, en l’envisageant comme un objet d’étude à part entière et en prêtant attention aux stratégies et à la rhétorique mises en œuvre selon les cas pour produire un effet spécifique, imposer une idée ou exercer une influence à l’échelle d’un lectorat et d’une société.

Quatre pôles de réflexion ont été définis dans le cadre de ce cycle : « Presse, littérature & arts », « Presse & genres », « Presse & conflits » et « Presse & mythes ». Le premier axe a fait l’objet d’une première journée à l’ENS de Lyon le 14 septembre 2018. Le deuxième, « Presse & genres », se tiendra à l’Université de Toulon le 13 septembre 2019.                                                                                           

La volonté d’étudier la presse sous l’angle de sa capacité à construire des systèmes de représentations justifie la perspective des gender studies et incite à réfléchir sur les dimensions performative, axiologique et injonctive du discours journalistique sur les genres au sein même de la diversité des « genres » qu’il propose (reportage, éditorial, portrait, chronique, enquête, interview, etc.). Le dispositif iconographique, les rubriques offrant la parole aux lecteurs et la publicité sous toutes ses formes font partie intégrante de cette réflexion dans la mesure où ils contribuent puissamment à nourrir l’imaginaire collectif.

Cette journée ouvre de nombreuses pistes de réflexion. De quelles façons la presse hispanique – généraliste et spécialisée – intervient-elle dans la mise en scène des stéréotypes et des comportements normatifs définis en fonction du sexe biologique ? Se contente-t-elle de perpétuer les valeurs et les codes socioculturels hégémoniques, cherche-t-elle à les consolider, ou incite-t-elle ses lecteurs à jouer avec les frontières entre le masculin et le féminin, voire à les subvertir ? Y a-t-il une place, dans des sociétés fortement hétéro-patriarcales, pour l’expression de différents modèles de masculinité et de féminité dans la presse ? Dans quelle mesure et sous quelles conditions un discours transcendant les oppositions binaires et proposant une approche renouvelée des genres voit-il le jour ? Ces questions résonnent au cœur de l’actualité la plus récente alors que la presse hispanophone se passionne pour les tenants et les aboutissants de la journée du 8 mars, baptisée « Journée internationale des droits des femmes » ou, plus simplement, « Journée internationale de la femme »[2]. Comme le signale l’historienne Joan Scott, le genre « ne peut demeurer utile que s’il [...] est pris comme une invitation à réfléchir sur un mode critique à la manière dont les significations des corps sexués sont produites en relation les unes avec les autres, à s’interroger sur la manière dont ces significations se déploient et se modifient. Il ne faudrait pas se concentrer sur les rôles assignés aux hommes et aux femmes mais sur la construction de la différence sexuelle elle-même. »[3] La volonté d’interroger la démarche et le rôle de la presse vis-à-vis du genre s’intègre pleinement dans cette approche qui envisage le genre comme un processus en construction et en évolution permanentes.

Cette journée d’études invite à s’intéresser au traitement des sujets de société qui ont cristallisé les questions de genre au sein des mondes hispaniques depuis le XIXème siècle : droit de vote des femmes, avortement, violences conjugales et féminicides, mariage homosexuel et droits LGBT, etc. Les figures publiques ayant fait l’objet de débats médiatiques autour du genre pourront, à leur tour, constituer une source de réflexion privilégiée, tout en gardant à l’esprit la spécificité des contextes historiques et socio-culturels dans lesquels ils s’inscrivent. En effet, qu’il s’agisse d’écrivains ou de peintres, de criminels ou d’hommes d’Eglise, de personnalités politiques ou du show-business[4], on pourra s’interroger sur les modalités selon lesquelles une figure publique fait émerger ou réactive dans la presse, volontairement ou à son corps défendant, les questions liées aux rapports sociaux de sexe à l’aune d’un espace-temps déterminé.

Les communications pourront venir enrichir l’étude d’une presse qui, par ses caractéristiques (lectorat auquel elle s’adresse, contenus spécifiques), affiche d’emblée un caractère genré : une presse dite « féminine », qui prétend délivrer à un lectorat de sexe féminin des conseils pratiques portant sur différents domaines (vie conjugale, sexualité, alimentation, vie en société, travail, loisirs), mais aussi une presse qui, du fait de ses sujets de prédilection (vie militaire, sport, chasse, automobile), s’adresse plus volontiers à un lectorat de sexe masculin. La prise en compte d’une « nouvelle presse pour hommes »[5], qui érige de « nouveaux codes masculins » en abordant des sujets jusqu’alors marginaux (mode, santé, psychologie, etc.), permettra de s’interroger sur la redéfinition et les nouvelles catégorisations médiatiques des rapports de genre. Outre les thématiques abordées au sein de ce type de presse, on pourra s’intéresser aux mécanismes énonciatifs (positionnement ironique, complicité avec le lectorat) et à la rhétorique qui structurent un « discours de genre »[6].

 

Les propositions, en français ou en espagnol, limitées à 500 mots et accompagnées d’une courte notice biographique, sont à envoyer aux deux adresses suivantes avant le 15 juillet 2019 :

evelyne.coutel@ens-lyon.fr

jules-charles.sorbac@univ-tln.fr

Une réponse sera communiquée au mois de juillet 2019.

Dans la perspective d’une publication imminente dans la revue Babel : civilisations et sociétés émanant du laboratoire de recherche BABEL (Université de Toulon), les intervenants devront remettre leur article d’ici le 6 septembre 2019 et pourront, le cas échéant, envoyer une version remaniée avant le 30 septembre 2019.

 

[1] Cf. par exemple DELPORTE, Christian et al., Histoire de la presse en France, XXe-XXIe siècles, Paris, Armand Colin, 2016 : « L'histoire culturelle, définie comme histoire sociale des représentations, a […] joué un rôle essentiel dans le regain d'intérêt pour les journaux, indispensables pour saisir la construction des imaginaires collectifs, la manière dont l'époque perçoit le monde, mais aussi parce qu'ils rythment le quotidien et pèsent sur les activités et les comportements. [ …] La presse, hégémonique au début du XXe siècle, aujourd’hui en interaction avec d’autres médias […], est coproductrice d’une culture universellement partagée ». Cf. également POIRRIER, Philippe, Les enjeux de l’histoire culturelle, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2004 (notamment le chapitre 8 : « Des médias à la culture de masse », pp. 171-182).

[2] Il faut souligner la convergence thématique des Unes des quotidiens espagnols généralistes – nationaux et régionaux – parus le 8 mars 2019 : tous font la part belle à cette « Journée », à l’exception d’ABC et du Diario de Sevilla qui ne la mentionnent pas, ainsi que La Región (journal de la province d’Ourense, en Galice) qui lui accorde une place secondaire. L’hebdomadaire espagnol El País Semanal, supplément dominical du quotidien El País, n’hésite pas à lui consacrer sa Une du 3 mars 2019 intitulée, par effet de ricochet, « Hacia una nueva masculinidad » (n°2.214). L’illustration suggestive d’Ana Juan joue avec les symboles iconiques pour mieux ouvrir les perspectives : elle présente, en gros plan, un simple visage barré par des lunettes aux verres violets – couleur du féminisme – dont la monture prend la forme des symboles « masculin » (♂) et « féminin » (♀) ; l’orientation inversée de ces signes évoque d’emblée au lecteur, si ce n’est un « trouble dans le genre », du moins une nouvelle vision des genres.  

[3] SCOTT, Joan W., « Le genre : une catégorie d’analyse toujours utile », Diogène, 2009/1, n° 225, p. 9.

[4] On pense à la célèbre formule de Pascal ORY pour circonscrire le champ de l’histoire culturelle : « de Goya à Chantal Goya » (L’Histoire culturelle, PUF, collection « Que sais-je », 2004).

[5] Cf. par exemple la thèse de doctorat d’Estelle BARDELOT, en Sciences de l’information et de la communication, sous la direction de Jean-François TETU : La nouvelle presse masculine française : production, produit et réception, Université Lyon 2, 2003.

[6] OLIVESI, Aurélie, « Dire le genre dans la presse magazine féminine et masculine », GLAD ! Revue sur le langage, le genre et les sexualités [en ligne], mis en ligne le 1er juin 2017, consulté le 03 avril 2019. URL : https://www.revue-glad.org/568#tocto2n2

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