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Appels à contributions
Moussa Konaté : une écriture de l'Afrique plurielle (revue Études littéraires)

Moussa Konaté : une écriture de l'Afrique plurielle (revue Études littéraires)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Sara Garneau )

La revue Études littéraires lance un appel à contributions sur le thème :

Moussa Konaté : une écriture de l’Afrique plurielle.

 

Consacré à Moussa Konaté, ce dossier vise à explorer les multiples dimensions de l’œuvre de cet écrivain africain francophone émérite. Mort le 30 novembre 2013 à Limoges, Konaté s’était, depuis les années 1990, imposé comme l’un des écrivains africains les plus productifs dans le domaine du polar. Né en 1951 à Kita, au Mali, il fait partie d’une génération de romanciers africains dont l’écriture s’inscrit dans la mouvance que Séwanou Dabla appelle les « romanciers de la seconde génération », une génération dont le discours ne se contente « plus si facilement de l’obsession du victimaire occidental et ses imprécations lancinantes contre l’histoire », mais se « porte maintenant sur l’Africain dont il s’agit de cerner la psychologie pour comprendre son drame et ses renoncements[1] ».

De cette génération, Konaté apparaît, dans une large mesure, comme celui dont l’œuvre couvre tous les genres (sauf la poésie) – roman, essai, théâtre, nouvelle, conte, polar, roman pour la jeunesse – et examine des thèmes historiques, culturels, politiques et sociaux. Autrement dit, Moussa Konaté pratique une écriture où se manifeste, sous plusieurs formes, une Afrique plurielle.

Premier romancier africain de la « littérature majusculée » (pour reprendre l’expression de Georges Simenon) à sortir le polar africain de la marge, Konaté propose des textes qui véhiculent un discours d’interprétation des sociétés africaines contemporaines. Ainsi, de ses romans à teneur sociale (Le Fils du chaos [1986] et Goorgi [1998]) à ses pièces de théâtre (Khasso [2005], Un appel de nuit [1995], Un monde immobile [1994]) en passant par ses polars (L’Empreinte du renard [2006], L’Honneur des Kéita [2002], La Malédiction du Lamantin [2009], Meurtre à Tombouctou [2014], etc.) et son essai polémique L’Afrique noire est-elle maudite ? (2010), l’on remarque que son projet littéraire semble marqué par une ambition « progressiste », celle qui consiste à trouver un équilibre entre la quête des formes littéraires adéquates dans le contexte africain actuel et l’engagement culturel (dont témoignent ses activités d’éditeur) et social, manifeste dans son intérêt pour l’enseignement et les thèmes récurrents de ses œuvres de création.

Bien que ses romans pour adultes, pour la jeunesse, ses polars, son essai et ses pièces de théâtre soient construits différemment sur le plan narratif, ils forment un univers cohérent dont l’unité sémantique s’élabore autour des personnages en constante mobilité.

Ainsi, une lecture attentive de ses différents textes permet de montrer, par exemple, que les frontières entre les deux champs – littérature populaire et littéraire dite lettrée – paraissent, à bien des égards, assez difficiles à tracer. Car chacun de ses textes interroge à la fois les limites du genre auquel il appartient et puise dans la bibliothèque de la littérature africaine et mondiale, dès son premier roman, Le Prix de l’âme (1981), qui s’inscrit en même temps dans la foulée des romans africains des années 1970-80.

Comme pour d’autres écrivains africains contemporains qui privilégient une écriture hybride, la véritable originalité de l’œuvre de Konaté réside dans le traitement des thèmes (la pluralité des visions du monde, le rôle des religions, les injustices et abus de pouvoir, l’éducation et les valeurs de la jeunesse, etc.) qui créent un réseau cohérent mais multiforme, étayé d’un tissage constant d’inter/intratextualités. Les multiples portraits que ses textes brossent, par exemple, du savant et du sage, des jeunes, du justicier, du vengeur et des figures de la violence (des criminels), etc., font non seulement de ces personnages un lieu d’articulation où se joignent les faisceaux du politique et de l’esthétique, mais permettent aussi d’approcher de plus près la réalité des sociétés africaines actuelles.

Par ailleurs, lors de ses différents entretiens[2], Konaté défend l’édition en Afrique. Professeur au lycée pendant plusieurs années, il démissionne au début des années 1990 de son poste de professeur de français pour se consacrer entièrement à l’édition et à l’écriture. Il deviendra d’abord conseiller littéraire chez Jamana, édition créée en 1986 par Alpha Oumar Konaré et sa femme Adame Ba Konaré, avant de fonder en 1997, à Bamako, sa propre maison d’édition, Le Figuier[3], qui publie des livres en langues maliennes. La création de cette maison d’édition traduit non seulement une volonté culturelle, mais vise aussi à mettre à la disposition des jeunes du Mali des livres qui parlent de leur quotidien. Se confirme ainsi, concrètement, la visée didactique qui se dégage des œuvres de création de Konaté et le caractère innovateur du polar africain.

En effet, alors que le discours de la critique tend encore bien souvent à stigmatiser les genres populaires comme frivoles ou même aliénants, Konaté (et d’autres auteurs africains de polars) leur confère une fonction d’éducation publique et d’espace de rencontre susceptible d’alimenter les débats d’actualité. Et la dimension transculturelle de ses textes (dans les formes et les thématiques) y participe : tandis que, en guise d’études transculturelles, la critique ne retient le plus souvent que la « trans »-culturation entre l’Occident et l’Afrique, l’écriture de Konaté illustre la transculturalité vécue au quotidien, en Afrique, depuis les temps les plus anciens, complexifiée par la rencontre avec la modernité occidentale. À travers l’œuvre d’imagination de Konaté, se décline ainsi, parmi d’autres, une didactique de la tolérance dans un contexte où les conflits ethniques et religieux perdurent. L’heure n’est plus au panafricanisme idéalisant : à chaque nation, chaque peuple, chaque communauté de gérer ses propres diversités.

Aussi ce numéro s’intéressera-t-il, à travers des approches variées, à l’analyse de cette œuvre riche et dense qui n’a jusqu’à ce jour fait l’objet d’aucune étude critique majeure. Outre les formes de continuité, les analyses se consacreront aux aspects thématiques et esthétiques de l’œuvre : intertextualités, poétique des genres, constructions thématiques, configuration des personnages, géopoétique, textualisations du discours social, inscription du savoir culturel dans la fiction, etc., pour mieux saisir la construction de cet imaginaire de l’Afrique plurielle chez Konaté. Ainsi, ces analyses permettront non seulement de combler une lacune, mais chercheront aussi à baliser l’ensemble de l’œuvre de Konaté.

Les intéressés sont priés d’envoyer leur proposition d’une longueur de 250 à 300 mots suivie d’une notice bio-bibliographique à l’adresse suivante : revueel@lit.ulaval.ca

Date limite pour les propositions d’articles : 30 août 2019

Date limite pour la soumission des articles : 15 août 2020.

 

 

 

[1] Séwanou Dabla, Les Nouvelles Écritures africaines : les romanciers de la seconde génération, Paris,  L’Harmattan, 1986, p. 49.

[2] Voir Philippe Mangeot, « Le choix africain. Entretien avec Moussa Konaté », Vacarme, n° 16 (2001), p. 68-69 ; Tirtbankar Chanda,  « Entretien avec Moussa Konaté, écrivain-éditeur », Notre librairie, n° 135 (1998), p. 35-40.

[3] De 2001 à 2011, Konaté a codirigé, avec Michel Le Bris, le festival littéraire et culturel « Étonnants voyageurs ». Il a également créé à Limoges, en France, une autre maison d’édition, Hivernage, qui diffuse ses livres publiés chez Figuier en France et en Europe.