Actualité
Appels à contributions
Michelet et la démocratie naturelle (Paris Diderot)

Michelet et la démocratie naturelle (Paris Diderot)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Elisabeth Plas)

Michelet et la démocratie naturelle

L’Oiseau, L’Insecte, La Mer et La Montagne

Journée d’études organisée par Paule Petitier et Elisabeth Plas

Université Paris Diderot

22 juin 2018

 

PRESENTATION

L’été dernier, s’est tenue à la Maison de la Recherche de Paris 3 une première journée d’études consacrée à La Mer de Michelet. Publié en 1861, ce grand chant lyrique et épique est le plus célèbre des quatre ouvrages qui composent la « série » des « petits livres» (1) d’histoire naturelle, inaugurée par Michelet en 1856 avec L’Oiseau, suivi de L’Insecte en 1857 et s’achevant avec La Montagne en 1868.

Dans le prolongement de ce premier événement, la journée du 22 juin considérera l’ensemble du cycle naturaliste, interrogeant le geste de l’historien qui, tout au long du Second Empire, après avoir étudié les mouvements et les rythmes des sociétés humaines, se tourne vers les animaux, les plantes, les glaciers et les lacs pour fonder ou pour découvrir, au contact d’autres vies et d’autres organisations, une démocratie naturelle.

Les bouleversements politiques de l’ère contemporaine enclenchent chez « l’homme histoire » (2) une évolution intime, à laquelle ceux qu’il appelle dans Le Peuple les « simples par excellence » (3) semblent prendre part. Sa nouvelle vie d’exilé de l’intérieur engendre une nouvelle œuvre, et des essais destinés à un large public bourgeonnent en marge de la grande œuvre historique, cherchant dans la nature, l’amour ou la femme autant de « renaissances » physiques, morales et politiques.

Si l’histoire naturelle représente d’abord, selon l’expression de Michelet lui-même dans l’Introduction de L’Oiseau, un « alibi au monde humain » (4), elle en est aussi le contre-point, sinon le prolongement ou le dépassement. En 1831, dans l’ouverture de l’Introduction à l’histoire universelle, Michelet concevait les rapports entre histoire et nature selon un modèle conflictuel, comme une lutte irréductible. Une vingtaine d’années plus tard, l’écriture de l’histoire naturelle est devenue complémentaire du récit de l’histoire humaine.

Dans l’esprit et la pratique de Michelet, les deux disciplines ont changé de visage. D’une part, comme l’écrit Linda Orr dans son introduction à La Montagne, « la figure de l’histoire se complique, en cette fin de carrière, assimilant le temps linéaire dans une sorte de gonflement de mouvements multiples et contradictoires » (5). D’autre part, les vivants non-humains aussi bien que les paysages deviennent des acteurs de l’histoire universelle. En écrivant la nature, Michelet écrit l’histoire : ni celle de la France ni celle de l’Europe ne sont absentes du cycle naturaliste, mais subordonnées à la temporalité de la nature, en particulier dans La Montagne, qui clôt non seulement le cycle, mais aussi une époque, pour le pays comme pour Michelet.

En 1856, Michelet a voulu « révéler l’oiseau comme âme, montrer qu’il est une personne » (6). Des plus petits insectes jusqu’aux fleurs de l’Engadine, toute son histoire naturelle ne cesse de demander « à chaque être le secret de sa petite âme » (7). Ce projet aux soubassements scientifiques a des enjeux moraux et politiques. Le transformisme biologique, qui postule une continuité des organismes les plus simples aux organismes plus complexes, est la condition d’un autre transformisme qui voit dans la succession des formes un dépassement de l’asservissement vers la liberté. Franchissant un pas de plus, La Montagne pense le passage de la plante et même de la pierre à l’homme : passage de l’inorganique à l’organique par lequel la matière en vient à « s’animaliser tout à fait » (8).

Le naturalisme de Michelet s’inscrit dans une vision politique où la cité universelle ne s’arrête pas aux frontières de l’humain, mais est appelée à englober les animaux et à reconnaître leurs droits. La démocratie naturelle, telle que l’envisage l’historien, est tout à la fois un élargissement de la politique à l’échelle de tous les vivants et une tentative de fonder en nature le modèle politique que défend l’historien. Il revient à l’homme et à l’histoire d’accomplir une démocratie latente dans les tréfonds de la nature.

Cette journée sera ainsi l’occasion de reconsidérer chez Michelet le passage du biologique au politique. Car il fallait que la mer devienne la « grande femelle du globe » et que le globe lui-même soit rebaptisé « l’animal-Terre » (9), à la faveur des théories scientifiques continuistes contemporaines, pour qu’un rêve démocratique se dessine avec un peuple de la nature dont plus rien ne serait exclu et qui ne serait autre que le monde.

 

PROPOSITIONS

Les propositions de communication de 500 mots maximum, accompagnées d’un titre et d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer à paule.petitier@univ-paris-diderot.fr et à elisabethplas@gmail.com avant le 19 février.

Certaines communications seront publiées avec celles de la journée sur La Mer.

 

BIBLIOGRAPHIE

Michelet Jules, L’Oiseau [1856], L’Insecte [1857], Œuvres complètes, Paris, Flammarion, t. XVII, 1992.

Michelet Jules, L’Insecte [1857], édition présentée par Paule Petitier, Paris, Éditions des Équateurs, 2011.

Michelet Jules, La Mer [1861], Paris, Gallimard, « Folio Classique », 1983.

Michelet Jules, La Montagne [1868], Œuvres complètes, Paris, Flammarion, t. XX, 1987.

Audier Serge, La Société écologique et ses ennemis, Paris, La Découverte, 2017.

Kaplan Edward, Michelet‘s poetic vision, a romantic philosophy of nature, Amherst, University of Massachussets Press, 1977.

Larrère Catherine, Les Philosophies de l’environnement, Paris, PUF, 1997.

Orr Linda, « Les Alternatives bizarres de Michelet », Europe, numéro spécial 535-536, novembre-décembre 1973.

Orr Linda, « L’alibi, ou l’autre discours de Michelet : La Montagne », Romantisme, n°10, 1975, Michelet cent ans après, p.  63-74.

Orr Linda, Jules Michelet, nature, history and language, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1976.

Petitier Paule, « Progrès et reprise dans l'histoire de Michelet », Romantisme, 2000, n°108. pp. 65-74.

Petitier Paule : « Instinct et intelligence: les termes d'une nouvelle querelle de l'âme des bêtes au XIXe siècle. », dans Jean-Luc Guichet dir., De l'animal-machine à l'âme des machines, Éditions de la Sorbonne, 2010.

Petitier Paule : « Une reconstruction du discours sur le peuple après 1848. L’Insecte et La Mer de Jules Michelet », dans 1848, une révolution du discours, H. Millot et C. Saminadayar-Perrin dir., Éditions des Cahiers intempestifs, 2001, p. 221-242.

Petitier Paule : « La Montagne de Michelet : une nouvelle alliance? », Compar(a)ison, n°1-2,. (2001): 307-25

Rétat Claude, « L’aile et son héros chez Michelet : histoire naturelle et morale de la force », Michelet entre naissance et renaissance (1798-1998), Colloque du bicentenaire, 1998, édité par Simone Bernard-Griffiths, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2001, p.  93-108.

Rétat Claude, « Jules Michelet, l’idéologie du vivant », Romantisme, 2005/4 n° 130, p. 9-22.

Rignol Loïc , Les Hiéroglyphes de la Nature. Le socialisme scientifique en France dans le premier XIXe siècle, Dijon, Les Presses du réel, 2014.

Serres Michel, Le Contrat naturel, Paris, Flammarion, Champs essais, 2009.

 

NOTES

(1) Jules Michelet, La Montagne [1868], Œuvres complètes, Paris, Flammarion, t. XX, 1987, p. 91.

(2) Paule Petitier, Jules Michelet, l’homme histoire, Paris, Grasset, 2006.

(3) Jules Michelet, Le Peuple [1846], Paris, Flammarion, 1992, p. 175.

(4) Jules Michelet, L’Oiseau [1856], Œuvres complètes, op. cit., t. XVII, 1992, p. 57.

(5) Linda Orr, « Introduction », in Jules Michelet, La Montagne, op. cit., p. 23-82, p. 75.

(6) Jules Michelet, L’Oiseau, op. cit., p. 65.

(7) Jules Michelet, La Montagne, op. cit., p. 91.

(8) Ibid., p. 131.

(9) Ibid., p. 134.