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Le spirituel, concept opératoire en sciences humaines ? Débat interdisciplinaire (Rennes)

Le spirituel, concept opératoire en sciences humaines ? Débat interdisciplinaire (Rennes)

Publié le par Marc Escola (Source : Claude Le Fustec)

Appel à communications
Le spirituel, concept opératoire en sciences humaines ?
Débat interdisciplinaire
19-20 octobre 2017
(Université Rennes 2)


        Depuis le poststructuralisme, la théorie, notamment littéraire, est devenue experte en matière d’analyse et de remise en question du soubassement idéologique propre à tout discours. La prise en compte de l’impact des contextes historiques, socio-politiques, des catégories sexuelles ou raciales entre autres ainsi que la problématisation du rapport du langage au réel ont contribué à éclairer les textes littéraires en tant que phénomènes discursifs. Toutefois, ces approches critiques se trouvent démunies lorsqu’il s’agit de dépasser cette « herméneutique du soupçon » (Ricoeur 1975) pour tenter d’élaborer une herméneutique « instauratrice de sens » (Goetz 2011 ; Ricoeur 1965), particulièrement lorsqu’il s’agit de penser l’humain au-delà de sa matérialité. Les chercheurs se heurtent alors à une question épistémologique d’importance : comment nommer ce qui déborde les positivités de l’existence ? Comment caractériser la quête esthétique, politique ou existentielle, que différents acteurs sociaux cherchent à approcher en des domaines aussi variés que l’art et la littérature, la sociologie, l’éducation, la philosophie de l’environnement ou les soins médicaux ? Au-delà des termes mystique et religieux, trop connotés et, à plusieurs égards, réducteurs de l’expérience humaine dans sa diversité, la notion du spirituel s’invite depuis plusieurs décennies dans ces considérations épistémologiques (Foucault 1979, 2001 ; Hadot 2002, 2008 ; Le Brun 2015 ; Vesperini 2015).


        Ce colloque propose d’initier un dialogue interdisciplinaire afin de tenter de constituer la catégorie de « spirituel » comme concept opératoire en sciences humaines.
        Dans le domaine des soins de santé, plusieurs chercheurs ont recensé des centaines de définitions différentes du spirituel et malgré une certaine confusion sémantique, veulent garder le terme (Swinton 2001 ; Pesut et al. 2008 ; Swinton & Pattison 2010 ; Jobin 2012). Dans les études indigènes, la notion de spiritualité permet de rendre compte de la singularité des rationalités autochtones dans leurs rapports au monde et à la notion de nature (Sefa Dei 2000 ; Goldin Rosenberg 2000). En philosophie de l’environnement et dans la pensée de la décroissance, le spirituel s’avère aujourd’hui un incontournable pourpenser la crise climatique et proposer des solutions durables aux défis contemporains (Bourg & Roch 2010 ; Viveret 2012 ; Egger 2012). Dans une philosophie athée également, ou résolument loin des traditions religieuses, un discours autour du spirituel s’affirme (Ferry 2010 ; Comte-Sponville 2006). En sociologie, les débats se poursuivent entre les tenants de cette catégorie (Wuthnow 2000 ; Heelas & Woodhead 2005) et ses contempteurs (Carrette & King 2005 ; Wood 2009, 2010), alors que d’autres approches se veulent plus consensuelles (Flanagan & Jupp 2007 ; Ammerman 2013, 2014). Enfin, la théologie se trouve fortement interpelée et renouvelée tant par son dialogue avec la postmodernité (Mark C. Taylor 1984, 2007 ; Ingraffia 1995 ; Vanhoozer 2003 ; Ward 1997, 2001 ; Nancy 2005, 2010) que par un réinvestissement de la dynamique du croire – spirituel, donc (Schneiders 2005 ; Robert 2009 ; Theobald 2015 ; Moingt 2015).


        Dans les lettres et les arts contemporains, constitués par détachement du religieux, la question du spirituel ne fait pas moins débat. Au coeur d’un nombre croissant d’études littéraires (Fiddes 2000 ; Tate 2008 ; Wöhrer & Bak 2013 ; Zaugg & Birat 2014), elle se pose également dès lors qu’elle conditionne le rapport aux signes, à l’image (icône ou idole), à l’invisible, à l’extase. Une certaine mystique de l’art reprend à sa charge des thèmes existentiels et spirituels (Bordas & Gay-Barbier 2002 ; Cottin 2007 ; Conte & Laval-Jeantet 2008), relançant les philosophes sur les marques contemporaines du sublime Saint-Girons 2005) et du sacré (Dupuy 2008 ; Agamben 2016). Les problématiques de l’inquiétude de l’absolu (Jossua 2000), de l’immémorial (Thélot 2011), de l’émerveillement (Boblet 2011), de la beauté (Froidefond & Rabaté 2016) entre autres, hantent toujours la littérature. C’est pourquoi Eagleton (2012) soumet à son propre regard sceptique le scepticisme qui marque les études littéraires qui ne se préoccupent pas du sens des formes et de leur effet expérientiel dès lors qu’ils touchent au spirituel. Dans la « théorie française », même, se révèle une dimension spirituelle insoupçonnée (Caputo 1997). De plus en plus clairement avec le déclin des références religieuses en Occident et la complexification du rapport à la transcendance (C. Taylor 2007), il devient impératif de repenser le lien entre esthétique et spiritualité (cf. la collection « Esthétique et spiritualité » chez E.M.E., 2012 et s.).
       

Ce colloque invite ainsi à explorer une théorisation du spirituel dans un contexte culturel contemporain de « postsécularité » (McClure 2007), où s’articule une nouvelle compréhension du croire à l’ère de la postmodernité (Hungerford 2010). Il s’inscrit à cet égard dans la ligne des travaux interdisciplinaires du réseau international « Theorias ».


Les propositions (250 mots environ), accompagnées d’une brève bio-bibliographie,
sont à envoyer pour le 15 janvier 2017 via le site du colloque :
https://theospirit2017.sciencesconf.org


Comité scientifique :
Claude Le Fustec (claude.lefustec@univ-rennes2.fr)
Myriam Watthee-Delmotte (myriam.watthee@uclouvain.be)
Xavier Gravend-Tirole (xavier.gravend@unil.ch)


Organisation :
Équipe d'Accueil ACE (EA 1796), Université Rennes 2