Le musicien raté : le retour !
Journée d’étude organisée par Emmanuel Lascoux, Stéphane Lelièvre et Marie-Hélène Rybicki
Université Paris-Sorbonne
Centre de Recherche en Littérature Comparée
Axe « Littérature et Musique » - Responsable : Stéphane Lelièvre
Paris, vendredi 17 novembre 2017
« La musique continua. — "Assez ! assez !" criait-il. — "Un peu de patience" répétait Bouvard. Pécuchet tapotait plus vite sur les lames de verre, et l’instrument vibrait, et le pauvre homme hurlait, quand le médecin parut, attiré par le vacarme. »
Voilà peut-être le seul passage où Flaubert – dont on sait qu’il invente le « ratage » en littérature, jusqu'à lexicaliser le terme en ne cessant de se l’appliquer dans sa Correspondance –, fait superbement « rater » la musique : fiasco attendu, car la musique ne peut échapper à l’anti-pédagogie de Bouvard et Pécuchet – et double, puisqu’ici décuplé en déroute musicothérapique par le fatal secours de la médecine.
L’évocation littéraire d’un tel « ratage musical » suscite les questionnements suivants :
- Est-on donc en droit de chercher « le musicien raté » en amont de la littérature ?
- Que devient en aval, jusqu'à nous, cette figure ?
- Faut-il franchir les bornes génériques pour le trouver ?
- Quelle part de rêve peut comporter ce « ratage » délibéré du « personnage musical » ?
Mais qui se cache derrière la figure du « musicien raté » :
- un « vrai » musicien, compositeur et/ou interprète ?
- un musicologue, selon la vieille boutade des musiciens ?
- un professeur de musique, se consacrant à l’enseignement faute de pouvoir créer ?
- un philosophe, depuis Socrate, dont on rapporte le regret de n’avoir pu mettre Ésope en musique, jusqu’à Nietzsche au moins, qui a écrit de la musique, sur la musique, contre la musique, et presque uniquement grâce à elle, à condition d'appeler Musique toute la production des Grecs ?
Et si seul le maître des mots peut vraiment « dire » ce « ratage », l'écrivain veut-il, doit-il, peut-il réchapper du destin de « musicien raté », quand le silence même lui est soufflé par le rythme, et que « les dieux vocaux, asémantiques » chers à Quignard, ne l'écoutent ni ne l'exaucent ?
Nous nous proposons, lors de cette journée d’étude qui prolonge un colloque de mai 2014, d’apporter quelques éléments de réponse à ces problématiques – ou de débattre toute autre question suscitée par les différentes figures possibles du « musicien raté », qu’il s’agisse de personnes réelles ou de personnages de fiction, d’écrivains, de philosophes, de musicologues recourant aux mots plutôt qu’à l’art musical, ou de « musiciens ratés » pratiquant leur art malgré tout, tantôt par aveuglement (par surdité !), tantôt par choix.
Les projets de communications (titre et résumé de 2000 caractères maximum), assortis d’une courte biographie, sont à adresser, avant le 15 avril 2017, à Emmanuel Lascoux (emmanuel.lascoux@gmail.com), Stéphane Lelièvre (st.lelievre@gmail.com) et Marie-Hélène Rybicki (hrybicki@uni-potsdam.de).