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L’image consommée : excès, limites et transformations (Montréal)

L’image consommée : excès, limites et transformations (Montréal)

L’image consommée : excès, limites et transformations

Université de Montréal

16-17 novembre 2017

 

Dans l’introduction de son essai Le destin des images (2003), Jacques Rancière analyse les significations et transformations contemporaines des images, en se demandant s’il « n’y a pas, sous le même nom d’image, plusieurs fonctions dont l’ajustement problématique constitue le travail de l’art? ». Face à l’hétérogénéité et la prolifération des formes visuelles qui ne peuvent être quantifiées ou étudiées dans leur totalité, la question du « comment » s’impose. De quelle(s) manières nous approprions-nous les images que nous regardons? Quels types de rapports ou de réponses artistiques sont générés? Dans le sillage de cette réflexion, la cinquième édition du Colloque arts et médias de l’Université de Montréal invite ses participants à se questionner sur les liens qui se nouent entre les images de l’art et les pratiques de consommation qui les caractérisent, dans les domaines de l’histoire de l’art, des études cinématographiques et du jeu vidéo.

D'une manière générale, la consommation d'un bien ou d'un service entraîne inévitablement sa transformation ou sa destruction. On ne saurait toutefois en réduire si facilement la définition, puisque la consommation se présente aujourd’hui sous plusieurs formes, qu’elle soit sous-jacente, conflictuelle ou excessive. Ceci est évident, par exemple, au regard de l'accumulation de publicités, des pratiques cinéphiliques extrêmes, des stratégies de réappropriation des jeux vidéo, ou encore des défis liés à l’archivistique ou aux dispositifs numériques.

D’ailleurs, l’évocation du mot consommation est souvent liée à l’apparition de la culture de masse des années 1950 et, par le fait même, aux théoriciens qui l’ont étudiée, notamment ceux de l’École de Francfort. D’un côté, Walter Benjamin explore la thèse selon laquelle l’arrivée des nouvelles technologies de reproduction réduit l’aura des œuvres au profit d’une exposition constante à l’image en série. De l’autre, Theodor Adorno et Max Horkheimer se penchent sur le concept d’industrie culturelle (Kulturindustrie) et sur l’art comme acteur de premier plan dans l’émancipation des luttes et des mouvements sociaux. Adorno et Horkheimer statuent que l’esprit ne peut survivre lorsque la culture est considérée comme un bien et destinée à la consommation. 

La consommation ne s’applique toutefois pas qu’aux objets de la culture populaire et de masse, elle travaille aussi l’histoire sociale de l’art, ses différents marchés et ses réseaux de distribution. Comment comprendre la consommation au sein d’une économie de dons (Mauss, 1925) ou pour la propagation pré-moderne d’une culture de l’imprimé? Si la consommation fait partie intégrante de la modernité, comment saisir la consommation visuelle avant et après cette modernité? Lors de ce colloque, nous souhaitons interroger les ruptures et les continuités des histoires de la consommation à la lumière des études médiatiques, cinématographiques et de l’histoire de l’art, pour mieux observer comment elles sont indissociables d’une histoire du regard en pleine mutation.

Il nous importe également de discerner comment les règles de la consommation gouvernent le corps social et quels rôles jouent les médias dans l’établissement de limites définies en ce qui a trait à la culture visuelle. L’aspect social de la consommation est donc à sonder afin d’étudier comment celle-ci opère lorsqu’elle devient système de contrôle et créatrice de communautés. Quels discours sociaux ou médiatiques sont intrinsèquement liés à la consommation des images? Et quels sont les moyens médiaux, artistiques, poïétiques pour mettre en scène la consommation?

En particulier au début des années 2000, l’émergence de nouvelles pratiques numériques a bouleversé la consommation des images artistiques. Alors que la circulation réglée des œuvres d’art permettait d’en préserver le contrôle, la nouvelle circulation des images favorise leur appropriation en dehors d’un cadre juridique ou commercial. Parallèlement, au tournant du 21e siècle, l’art, le cinéma mais aussi le jeu vidéo et la télévision se sont imposés comme des objets inédits de consommation. Ils ont permis de légitimer les expressions de la culture populaire, contribuant ainsi au renouvellement et à l’hybridation des formes culturelles. « La culture du partage est une nouvelle revanche des foules sur la consommation », affirme André Gunthert (2013). Le consommateur devient-il ainsi producteur d’œuvres? La réception serait-elle progressivement remplacée par les détournements ? Ou ces techniques de réappropriation se révèlent-elles une nouvelle façon de recevoir l’art ?

Enfin, il est nécessaire d’étudier ce que les études postcoloniales, féministes et queer nous apprennent sur les rapports qui se tissent entre consommation et pouvoir. Quand est-ce que « voir » devient consommer ? Comment le regard consommateur engendre-t-il un pouvoir politique (dans les paysages ou l’art orientaliste, par exemple) ?

Considérant les multiples avenues de réflexion possibles autour du thème, les communications proposées pourront s’inscrire dans l’un de ces trois axes, sans y être pour autant limitées :  

1) Pratiques de consommation des images : postures et théories du spectateur, réception et commission des œuvres, art réglementé et règles de consommation, copies, cinéphilie, corps altérés ou modifiés par l’art, vol d’identité et espionnage, rapatriement des biens culturels, braconnage culturel, avenir des plateformes numériques, développement d’iconographies.

2) Surconsommation : pathologies en art, surplus d’images, hyperphagie des images, binge watching, pratiques superstitieuses, idolâtrie, spectacle et magie, carnavalesque.

3) Déchets et rejets : pratiques limites, censure, décloisonnement des arts, images interdites, controversées, parasites ou indigestes, art jetable, art pauvre, art du superflu, art du réemploi (images ou œuvres manipulées ou transformées), circulation des images (errance et partage), mash up,  décontextualisation de l’objet, culture jamming.

Nous invitons les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs ainsi que les professeurs, chercheurs et professionnels de musées, de tous les horizons disciplinaires, à soumettre une proposition de communication (environ 300 mots) avant le vendredi 26 mai 2017. Pour nous transmettre votre proposition, vous devez remplir le formulaire prévu à cet effet (disponible sur notre page facebook et notre site internet) et nous le retourner à colloqueharudem@gmail.com. Veuillez noter que les communications pourront par la suite être publiées dans les actes du colloque. Pour toute question concernant le colloque, vous pouvez nous écrire à la même adresse.