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L'après 1968: échos et résonances dans les arts aux USA (Montpellier)

L'après 1968: échos et résonances dans les arts aux USA (Montpellier)

Publié le par Université de Lausanne (Source : claude chastagner)

L’APRÈS 1968 : ÉCHOS & RÉSONANCES DANS LES ARTS 

AUX ÉTATS-UNIS

Université Paul-Valéry Montpellier 3

Vendredi 15 novembre 2019

 Journée d’études organisée par le CAS – EA 801 (UT2J) et EMMA (Paul Valéry – Montpellier 3)

 Organisation : Zachary Baqué, Claude Chastagner, Émeline Jouve

Cette journée d’études fait suite à une première rencontre organisée à Toulouse le 22 novembre 2018, consacrée à la politique des arts aux États-Unis en 1968. Cette seconde journée envisage l’impact artistique et culturel de cette année particulière.

La première édition a permis de souligner, à travers des présentations consacrées au cinéma, au théâtre, au dessin, à la littérature, à la poésie et à la musique populaire, la spécificité de la création artistique aux États-Unis en 1968 et en a dessiné quelques caractéristiques (engagement politique, en particulier aux côtés des Africains-Américains, expérimentation formelle, attention à l’environnement social, émergence de nouvelles problématiques), tout en attirant l’attention sur son ambivalence et ses ambiguïtés.

Cette seconde journée souhaite étendre la réflexion à l’après 1968. Les caractéristiques dégagées quant à l’année 1968se retrouvent-elles ensuite, amplifiées ou transformées ? Ont-elles eu une incidence sur le travail des artistes ? Les politiques des arts en ont-elles été modifiées ? Que sont devenues les remises en question formelles, les tentatives de décloisonner les pratiques, les diverses formes d’engagement politique et social ? Ont-elles marqué durablement les pratiques et politiques artistiques du pays ? Leur trace serait-elle observable jusque dans des formes contemporaines ? Pourrions-nous alors souscrire à l’analyse de Catherine Itzin pour qui 1968 marque de façon spectaculaire la fin d’une période et le début d’une ère nouvelle ?

Dans quelle mesure ces expériences n’ont-elles été, au contraire, que le produit d’une conjoncture, des expériences sans lendemain ? Devrait-on, à l’instar d’Alan Wald, estimer que « vouloir trouver une année particulière où ces mouvements se seraient trouvés à l’apogée de leur puissance […] empêche de comprendre leur spécificité et leur interaction » ? Qu’en définitive l’évolution des politiques et pratiques artistiques depuis les années soixante n’est qu’un processus graduel, sans point de départ particulier, sans moment de rupture initial ?

Telles sont donc les questions qui sont posées : celle, spécifique, de la rémanence formelle, théorique ou thématique de pratiques et d’expérimentation dont l’origine pourrait être fixée à un moment spécifique et celle, plus complexe, de la possibilité même d’une filiation et d’une transmission, et des modalités que de tels processus pourraient prendre. Ce qui pose alors le rôle des institutions (médias, milieu éducatif, responsables politiques et religieux, etc.) dans la transmission des pratiques et la mise en place des politiques artistiques.

 En fonction de la place qu’on estime qu’elles ont accordée à l’héritage culturel de 1968, les décennies qui suivent peuvent être organisées en différentes périodes : dilution dans la culture mainstreamcommercialeou retour à l’ordre ancien (le fameux « retour de bâton » ou backlash) dans l’immédiat après-1968, timide réhabilitation au cours des années quatre-vingt-dix, avant l’oubli engendré par le nouveau millénaire que ne compensent qu’en partie les emprunts ou les commémorations aseptisés de la décennie actuelle.

Si impact il y a eu, les avis quant à sa valeur font l’objet d’appréciations très contrastées. Pour Allan Bloom, dont The Closing of the American Minda fait l’objet d’une nouvelle édition en français en 2018, l’héritage de 1968 se résume à une contre-culture destructive et nihiliste fondée sur la consommation de drogue et l’expérimentation sexuelle. Daniel Bell, bien plus nuancé dans son jugement, estime néanmoins que la contre-culture qui culmine en 1968 est totalement dépourvue d’originalité et n’est que le recyclage des avant-gardes du début du xxesiècle. Il en veut pour preuve la remise en question, au nom de l’hédonisme et de l’individualisme, de l’ordre culturel bourgeois et des principes de frugalité et de gratification différée, remise en question qu’on retrouve à différentes périodes antérieures. La contre-culture de la fin des années soixante n’aurait par ailleurs produit « aucune révolution esthétique digne de ce nom ». Elle n’aurait mis en place qu’une forme peu convaincante de modernisme où ne subsisteraient que la recherche du plaisir et la satisfaction des instincts. Il faut ajouter à ces critiques conservatrices les attaques livrées par d’anciens activistes devenus néo-conservateurs comme Peter Collier ou David Horowitz qui s’en prennent à la mégalomanie des théoriciens radicaux de la fin de la décennie et en impute l’échec à la montée des politiques identitaires. Certains conservateurs vont plus loin. Pour John Harmon McElroy, 1968 a constitué l’apex d’une forme d’anti-américanisme, un rejet des racines capitalistes et chrétiennes de la culture américaine. C’est une véritable guerre culturelle qui aurait eu lieu et contrairement au discours désabusé et pessimiste des anciens militants, ce serait bien la contre-culture qui aurait gagné. Avortement, mariage gay, politiques identitaires, affirmative action, l’héritage de 1968 est indéniable. Il s’est accompagné, ajoute McElroy, de la political correctnesschargée d’imposer ces bouleversements en intimidant la société américaine par des accusations de racisme, de sexisme et de harcèlements en tous genres, accusations qu’on retrouve pour certaines exacerbées à l’époque contemporaine.

C’est paradoxalement à gauche qu’on rencontre le plus de doutes quant au bilan de la décennie et à l’impact de son année phare. On perçoit, de Todd Gitlin (ex-président de l’organisation Students for a Democratic Society) à Maurice Isserman, une déception, une amertume presque vis-à-vis du radicalisme de la fin de la décennie qu’ils jugent destructeur et auquel ils imputent en partie l’échec du mouvement. Pourtant, si la Nouvelle Gauche disparaît progressivement, les activistes et les expérimentateurs culturels ont obtenu ou imposé une proportion non négligeable de ce qu’ils réclamaient et de fait, à des degrés divers et avec plus ou moins de réussite, les explorations artistiques se prolongent sur les décennies suivantes. 

 Néanmoins, même si l’on souscrit à l’analyse qui fait de 1968 une année qui marque durablement et positivement les politiques artistiques ultérieures, que deviennent les expérimentations quand elles se banalisent, quand le grand public et le commerce s’en emparent, quand elles ne sont plus portées par des mouvements de contestation ? Observe-t-on une corrélation, en termes de thématiques ou de pratiques, entre la désillusion, le pessimisme et le désespoir de l’après-68 qu’affichent certains artistes et la production artistique des décennies qui suivirent ? Comment expliquer la persistance de l’engouement, y compris au sein des nouvelles générations, pour les formes les plus radicales mises en avant en 1968 ? Ne s’agit-il que d’un effet de mode, du résultat de stratégies médiatiques ou commerciales, de la prégnance de la génération des baby-boomers dans les processus décisionnels ? 

Les communications pourront porter sur deux axes principaux :

L’impact de l’année 1968 (en termes d’influence, d’emprunt, de détournement, d’aggiornamento, etc.) sur les politiques et pratiques culturelles des décennies suivantes. On pourra citer par exemple la sortie de 2001, L’Odyssée de l’espacede Stanley Kubrick, à l’origine d’une vague de films d’auteurs influencés par la science-fiction, les débuts à Broadway de la comédie musicale Hair, qui marquera par sa représentation de la sexualité, son irrévérence et sa distribution ethniquement mixte ou la création d’Apple Records, prise en main par les artistes eux-mêmes des aspects économiques de leur carrière. La représentation a posteriorides événements de 1968 et leur relecture contemporaine : voir, par exemple, l’exposition actuelle sur la mort de Robert Kennedy qui inclut, entre autres, June 7, 1968,le film de Philippe Parreno, la série documentaire proposée par Netflix en 2018, Robert Kennedy for President, des titres tels que 1960 What?par Gregory Porter (2010), ou bien que plus ancien, le roman de Philip Roth, American Pastoral (1998).

La politique des arts de l’après 1968 pourra s’envisager en fonction de différentes thématiques, en particulier : 

  • son rapport avec les mouvements de contestation sociale
  • l’inventivité et la créativité formelle
  • l’émergence de nouvelles approches théoriques
  • les réactions des institutions et de la classe politique
  • le rôle des politiques culturelles privées et publiques
  • la modification du rapport avec les médias et le grand public et la place des médiateurs et des récepteurs
  • son lien aux politiques éducatives
  • l’évolution des stratégies artistiques commerciales

Les communications pourront consister en des études de cas ou proposer des analyses transversales. Des approches transdisciplinaires et transnationales sont bienvenues. 

Les propositions de communication, en français ou en anglais, doivent être envoyées avant le 30 avril 2019 à :

Zachary Baqué <zachary.baque@univ-tlse2.fr>

Claude Chastagner <claude.chastagner@univ-montp3.fr>

Emeline Jouve <emeline.jouve@univ-jfc.fr>

Les propositions n’excèderont pas 400 mots et seront impérativement accompagnées d’une notice bibliographique. Afin de permettre les échanges et la discussion, il sera demandé aux communicants de ne pas dépasser une durée de vingt minutes pour leur présentation.

Comité Scientifique : Monica Michlin (Paul-Valérie Montpellier), Aurélie Guillain (Toulouse Jean-Jaurès), Anne Stéfani (Toulouse Jean-Jaurès)

  • Responsable :
    claude chastagner
  • Adresse :
    Montpellier, Université Paul-Valéry, France