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Journées d’étude

Journées d’étude "Danse et artification ?" (Univ. Côte d'Azur)

Publié le par Marc Escola (Source : Université Côte d'Azur)

Appel à communications

Journées d’étude « Danse et artification ? »

7 et 8 novembre 2019 – Université Côte d’Azur

Coordinateur : Sarah Andrieu, Clarisse Goudet et Grégori Jean


Depuis les travaux de Nathalie Heinich et de Roberta Shapiro, le concept d’ « artification » — « processus qui institutionnalise l’objet comme œuvre, la pratique comme art, les pratiquants comme artistes, les observateurs comme publics, bref qui tend à faire advenir un monde de l’art »[1] (2012, p. 20) — est au cœur des réflexions que la philosophie de l’art mène au sujet du devenir de « l’idée d’art », et de la reconnaissance de la labilité et de la porosité des frontières qui séparent l’art et le non-art. Or, si l’une des forces de ce concept est la portée extrêmement générale que leur accordent leurs auteurs — il ne s’applique pas seulement aux « objets » au sens strict (un tableau, une sculpture), mais aussi aux paysages (land art) ou aux situations (happening) — l’objectif de ces journées d’étude est évaluer sa pertinence pour aborder les pratiques dansées, en tant qu’elles ne font pas systématiquement « œuvre
». Si Roberta Shapiro[2] a en effet pu montrer les mécanismes du passage à l’art de la danse hip-hop en France à travers son institutionnalisation et les dynamiques afférentes (décontextualisation, organisation, professionnalisation, singularisation, intellectualisation), qu’en est-il du corps dansant lui-même, de ses techniques et de ses savoirs ?

Ces journées d’études souhaitent initier sur ce thème des dialogues et des décentrements féconds, par le croisement des regards (philosophique, esthétique, anthropologique, sociologique…), des approches et des méthodes. Les propositions d’interventions pourront notamment s’inscrire dans les axes suivant :

1/ Le corps peut-il comme tel devenir matière et objet d’artification ? Les pratiques ancestrales de la parure jusqu’à la haute couture, du tatouage tribal à la pratique moderne du body painting, et jusqu’aux formes les plus quotidiennes d’intervention sur le corps (du simple maquillage au bodybuilding) sont-elles de cet ordre, ou bien s’agirait-il justement de distinguer l’artification de toute « esthétisation » du corps, et de son devenir « œuvre d’art » ?

2/ Les techniques du corps — au sens maussien — sont-elles à leur tour susceptibles d’être artifiées ? Si l'on accepte la qualification traditionnelle de la danse comme « art du corps en mouvement », peut-on la concevoir — comme une longue tradition philosophique, de Maine de Biran à Bergson en passant par Ravaisson et jusqu’à la phénoménologie de Merleau-Ponty nous y encourage en distinguant par exemple le mécanique et le vivant, ou la Nature et la Grace — comme une artification du mouvement lui-même ? En d’autres termes, le geste est-il le produit — et peut-être à son tour l’objet — d’une artification, et le cas échéant, dans quelle mesure les pratiques de danse peuvent-elles contribuer à un tel processus voire en constituer la manifestation privilégiée ?

3/ Selon quelles modalités s’opèrerait, dès lors, une telle artification du corps ? Est-il pertinent de mobiliser, dans la lignée des travaux de N. Goodman, la fonction constitutive d’un « monde de la danse » ? On pourra, à cet égard, s’interroger sur :
    a/ La fonction, dans ce processus d’artification, de la notation chorégraphique — dont dépendrait la fixation d’une expérience subjective en une « bibliothèque du mouvement », et qui contribuerait à la constitution de la danse en patrimoine chorégraphique.
    b/ La place à accorder aux « opérateurs discursifs »[3] et aux discours des danseurs eux-mêmes dans un tel processus. On pourra notamment porter une attention particulière à la manière dont la pratique de l’entretien que celui-ci soit mis en jeu par le chercheur en danse, le journaliste ou l’artiste intervient dans ce processus d’artification. Ces pratiques d’entretien impliquent-elles de nouvelles modalités de la mise en mot de l’expérience corporelle « artifiée » ? Entraînent-elle la constitution de nouveaux savoirs sur le statut de danseur et sur les valeurs qu’il incarne ? Comment ces entretiens sur la danse peuvent-ils à leur tour faire l’objet d’une artification lorsqu’ils sont replacés au cœur des processus créatifs ?  

4/ Enfin, à supposer que le concept d’artification possède une pertinence pour aborder certaines pratiques de danse, est-il pour autant valable — ou l’est-il au même titre — pour appréhender l’ensemble des phénomènes identifiés sous le vocable « danse » par l’histoire de l’art européenne, et a fortiori, l’est-il pour aborder certaines de ses formes non occidentales ?

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Les propositions de communication sont à envoyer aux coordinateurs scientifiques de la manifestation (Sarah.Andrieu@univ-cotedazur.fr, clarisse.goudet@univ-cotedazur.fr, gregori.jean@univ-cotedazur.fr) avant le 25 août 2019, sous la forme d’un résumé (maximum 400 mots), comportant un titre et accompagné des coordonnées de l’auteur, de ses titres et fonctions et du nom de son institution de rattachement. L’hébergement et la restauration seront pris en charge par les organisateurs pour celles et ceux qui seront sélectionnés. Une réponse vous sera donnée début septembre 2019.


[1] N. Heinich et R. Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, 2012, p. 20.
[2] R. Shapiro, « Du smurf au ballet. L’invention de la danse hip-hop », dans ibid., p. 171-192.
[3] N. Heinich et R. Shapiro, op. cit., p. 287.