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Appels à contributions
Goût, dégoût, mauvais goût (Arras)

Goût, dégoût, mauvais goût (Arras)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Aurore heidelberger)

Journée d’études « Praxis et esthétique des arts »

Organisée par Valérie Etter et Aurore Heidelberger

« Goût, dégoût, mauvais goût »

Vendredi 6 Avril 2018, Université d'Artois, EA 4028 Textes et Cultures

 

Appel à contributions

Cette journée d’études s’inscrit dans la continuité d’autres manifestations proposées par l’équipe d’accueil textes et cultures EA 4028 de l’Université d’Artois, questionnant le rapport au charnel, aux sens et à l’organicité dans les créations artistiques, notamment le colloque intitulé « Les festins et les arts » organisé en décembre 2008 par Amos Fergombé, les séminaires interdisciplinaires « Corps et monstrations », « Béances du corps dans les arts scéniques et visuels » en 2016. Manifestation qui prolonge également les réflexions menées autour des notions de marginalité, de jugement esthétique amorcées en janvier 2017 lors de la journée d’études « Danses minoritaires, danses des minorités ».

Si le terme de goût désigne originellement un des cinq sens capable de percevoir la diversité et la subtilité des saveurs, et dont la langue est le principal organe ; dans un sens plus large et dans l’usage, avoir du goût, sous entendu bon goût, dépasse la simple sensation charnelle et induit un jugement de valeur, faisant appel à des facultés réflexives.  A noter que le (bon) goût dans le discours critique se joue du mauvais goût, le plaçant d’emblé dans une position d’infériorité et impose des normes, des règles esthétiques à respecter pour ne pas basculer dans les arcanes du mauvais goût. Le goût ne va pas sans le dégoût, c’est à dire l’aversion que nous éprouvons face au spectacle de certaines choses et de l’ambivalence de cette réaction épidermique, qui oscille entre fascination et répulsion.

Nous placerons cette journée sous le signe de l’ambivalence, de l’oscillation et des jeux d’opposition entre le bon et le mauvais goût. Du goût au dégoût, de l’attirance à l’abjection, il n’y a qu’un (faux) pas. Pourquoi certaines œuvres se trouvent-elles disqualifiées et reléguées au rang de l’abjecte et de l’irreprésentable ? Quelles sont les postures empruntées par les artistes contemporains ?  Dans quelles mesures leurs œuvres échappent-elles à ces catégories binaires et s’amusent-elles de ces notions de goût, bon goût, mauvais goût et dégoût ? Quelle place le corps, celui de l’artiste et/ou du spectateur, goûteur occupe t-il dans ces esthétiques mettant en jeu le goût ?

Le bon goût relèverait d’une esthétique mesurée qui refoulerait toute manifestation excessive. Le bon goût incarne l’idée d’une certaine harmonie, d’un équilibre voire d’une élégance par opposition à l’expression outrancière du mauvais goût. Une culture supérieure, élitiste ou institutionnelle s’impose reléguant toute manifestation marginale – émanation populaire ou décadente – au rang du mauvais goût. Ainsi, le mauvais goût désigné comme kitsch, ringard ou l’expression d’une sensibilité camp déroge à la règle et s’impose comme une esthétique du dépassement, parfois dépourvue de règle, donc disharmonieuse. On note, dans les créations contemporaines (scéniques, visuelles, cinématographiques), une recrudescence du kitsch, un attrait pour les contre-cultures qui peut se lire comme une nouvelle forme de maniérisme voire de snobisme. En effet, les œuvres des artistes contemporains se distinguent par un tissage de références, empruntées sans complexe à des sphères culturelles parfois considérées par une culture savante comme éloignées du bon goût.

Ainsi certains créateurs s’acoquinent avec le mauvais goût, le bizarre, voire le dégoutant, s’abreuvant d’une  contre-culture ou culture de masse dépréciée pour ses outrances ou ses origines peu recommandables. Citons par exemple les textes de Rodrigo Garcia, où les toiles de Goya se frottent aux icônes de la société de consommation de Ronald MacDonald ou de Mickey. La pénétration d’une culture populaire érotisante s’invite sur la scène chorégraphique contemporaine avec Twerk, et les chorégraphes de la compagnie Vlovajob d’enfreindre avec force les règles du bon goût, du raffinement en érigeant comme figure de style les va-et-vient plus qu’évocateurs du fessier généreux d’une Nicki Minaj. Quant au théâtre des Lucioles c’est l’univers parfois sordide du strip-tease qui sert de source d’inspiration pour Kiss me Quick.

À travers ces processus de réappropriation, de transformation, voire d’ingestion et de digestion, n’y a t-il pas une démarche politique de la part des artistes ? Leurs œuvres s’affichent comme autant de manifestes, s’affranchissant des frontières qui régissent de manière artificielle le territoire du bon goût.

Le dégoût a longtemps été exclu du cadre des émotions esthétiques et déconsidéré, il est envisagé aujourd’hui comme un mécanisme de défense : l’écœurement préservant d’une proximité non désirée. Si le goût est synonyme de plaisir, le dégoût n’est pas le contraire, le déplaisir, mais une émotion multi-sensorielle ayant un lien fort avec l’alimentation et la sexualité. Au-delà du mauvais goût, le dégoût provoque le corps et déclenche une réaction quasi viscérale. Le rejet physique ainsi suscité par l’objet du dégoût semble surpasser tout jugement intellectuel et marque l’expression d’une impossible incorporation. La répulsion physique qui peut aller jusqu’à l’écœurement est désignée comme un mécanisme de défense, une réaction instinctive face à une expérience de proximité non désirée. Ici, le corps n’est plus mis à distance mais fortement sollicité. Le dégoût physique ou éthique interroge les limites de l’art, du supportable et du représentable, comme par exemple dans  certaines créations du metteur en scène Romeo Castellucci, ou encore dans The Baby of Macon de Peter Greenaway. Certaines œuvres provoquent attrait esthétique et rejet éthique, ou tout au moins, une réception ambivalente qui flirtent souvent avec l’effroi. Ainsi force est de constater que les œuvres convoquant le dégoût manifestent souvent un attrait pour le morbide, une fascination ambigüe, comme en témoigne de nombreuses créations contemporaines.

Plusieurs axes pourront être envisagés concernant les Arts du spectacle (théâtre, danse, marionnette, cirque), les Arts visuels, le Cinéma, la Mode, le Jeu vidéo, les food studies  ou disgust studies, le Design et les Arts culinaires.

  • Le bon goût ou l’institutionnalisation du goût
  • Le kitsch, Edelkitsch et art pompier (Michael Fassbinder, Christoph Marthaler, Alexander Mac Queen…)
  • Le trash  (Pier Paolo Pasolini,  Liliana Cavani, Jan Fabre, Andrès Serrano…)
  • La sensibilité camp (Théâtre des Lucioles, Alain Buffard, Pierre et Gilles, Vivienne Westwood, Jeremy Scott…)
  • L’obscène (Cie Vlovajob, les frères Chapman, Mac Carty, Met Ingvartsen…)
  • Les limites du représentable
  • Dégoût éthique ou esthétique ? (Milo Rau, Peter Greenaway, Romeo Castellucci, Wim Delvoye,  John Waters, Botched taxidermy, Gyorgy Pàlfi…)
  • Nourriture et arts (Michel Blazy, Natures mortes, Sophie Calle, Jana Sterbac…)

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Les propositions (300 mots environ) comporteront un titre et un résumé ainsi que des mots-clés. Elles préciseront la rubrique choisie et seront accompagnées d'une brève bio-bibliographie de l'auteur. Les contributions, d’une durée de 20 minutes, pourront prendre la forme d’une communication, d’une conférence-démonstration ou d’une performance.  

Elles devront parvenir en format Word ou PDF par courrier électronique à Valérie Etter (valerie_etter@yahoo.fr) Aurore Heidelberger (aurore.heidel@gmail.com) avant le 1er mars. Réponse aux auteurs : le 7 Mars.