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Érotisme et pornographie dans l'œuvre de Louis Aragon

Érotisme et pornographie dans l'œuvre de Louis Aragon

Aragon érotique ?

Le 9 décembre 2017 à l’ENS Ulm

Séminaire de l’Équipe Aragon (dir. Luc Vigier) de l’Institut des textes et manuscrits modernes

Louis Aragon a accordé une place de choix dans son œuvre à l’écriture du désir et de la sexualité, allant parfois jusqu’à faire d’Éros la pierre de touche poétique d’un grand nombre de textes dans lesquels le corps et le plaisir ne cessent de circuler. Pourtant, rares sont les études s’intéressant en profondeur à la figure d’un Aragon érotique, voire pornographe, peut-être trop souvent occultée par celle de l’intellectuel communiste et du fou d’Elsa. C’est donc tout un pan de l’œuvre d’Aragon, du Libertinage à Théâtre / roman, en passant par La Défense de l’infini ou Henri Matisse, roman, qui appelle à être analysé aujourd’hui sous le signe d’une érotique singulière, dont il faudra cerner les contours mais aussi les contradictions, celles-ci se trouvant peut-être à l’origine de cette étonnante mise à l’écart. 

Nous ne pourrons ignorer la posture paradoxale de l’auteur vis-à-vis de la sexualité et plus spécifiquement de son écriture : Aragon n’a-t-il pas en effet nié jusqu’à sa mort la paternité de son texte le plus explicitement érotique, « Le Con d’Irène » ? Son écriture ne cesse-t-elle pas d’osciller entre rejet et fascination pour la geste des corps, tour à tour déplorant le profond « limité de l’expérience érotique[1] » puis louant dans Le Paysan de Paris « cette furie physique », «le mépris de l’interdiction et le goût du saccage[2] » qu’elle suscite ? Malgré cette ambivalence, le texte aragonien retourne sans cesse au désir, comme si le langage, et donc la littérature, devenaient des instruments nécessaires au poète pour approcher les corps et leurs jouissances. Les propositions de communication pourront ainsi se concentrer sur le lien établi par Aragon entre langage et sexualité, mais aussi sur les paramètres stylistiques et thématiques constitutifs de l’érotique aragonienne, tels que l’esquive de toute représentation directe de la jouissance, le recentrement du texte sur la naissance intérieure du désir chez les personnages, ou encore la valorisation de la jouissance féminine et l’éviction partielle du modèle phallique. Outre la totalité de l’œuvre littéraire de notre poète, les interventions pourront aussi s’appuyer sur tout un ensemble de documents à l’intérêt indéniable dans lesquels Aragon témoigne de sa propre sexualité (voir par exemple le numéro des Archives du surréalisme consacré à la surréalité, ou l’entretien d’Aragon paru chez Lui en avril 1974).

Il s’agira aussi de s’interroger sur l’éventuelle distinction opérée par le corpus entre érotisme et pornographie, en s’intéressant notamment à l’usage politique que semble faire Aragon de cette dernière : si la sexualité bourgeoise est grotesque, parce que toujours préoccupée d’en finir le plus vite possible, le « vagabondage des sens[3] » défendu par Aragon se fait à l’inverse le support d’une transgression et d’une révolte qui se veut être celle de l’infini sur le fini. Dès lors, quelle est cette idée de la sexualité qui soutient l’érotisme aragonien et vient l’arracher aux bras infâmes de l’obscénité ? Quelles en sont les réussites et les limites ? Pour répondre à cette question, un détour par la relecture aragonienne de la dialectique et du concret hégéliens pourra se révéler nécessaire afin de dégager l’investissement philosophique, et par là même existentiel, dont le désir et la sexualité font l’objet dans l’ensemble de l’œuvre d’Aragon.

Les communications prendront la forme d’un exposé oral de 45 minutes et seront suivies d’une discussion. Vous pouvez envoyer un bref résumé de votre proposition d’intervention avant le 9 novembre 2017 à l’adresse suivante : louise.mai@ens.fr

Sites de l’ITEM et de l’Équipe Aragon :

http://www.item.ens.fr

http://louis-aragon-item.org

[1] Louis Aragon, La Défense de l’infini [1986], édition renouvelée et augmentée par Lionel Follet, Paris, Gallimard, coll. Les Cahiers de la NRF, 1997, p. 267.

[2] Louis Aragon, « Le Paysan de Paris » [1926], Œuvres poétiques complètes I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, p. 180-181.

[3] Louis Aragon, La Défense de l’infini, op.cit., p. 69.