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Appels à contributions
Hors la loi (Séminaire de doctorants, Paris 3)

Hors la loi (Séminaire de doctorants, Paris 3)

Publié le par Marc Escola (Source : Antoine Ducoux/Guillermo Héctor - C.E.R.C. ED120)

Appel à contributions - Séminaire de doctorants :

"Hors la loi", 2e année

Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

 

Organisé à l’université Paris 3 en 2018 avec l’ED 120 par les doctorant.e.s du CERC et de la revue de littérature générale et comparée TRANS (https://journals.openedition.org/trans/), le séminaire de doctorant.e.s “Hors la loi” est un séminaire mensuel ouvert à toutes et à tous qui s’intéresse à l’inscription littéraire des expressions de l’illégalité. Dans la volonté de dépasser une thématisation trop restrictive, de ne se limiter ni à la “marginalité”, ni à la “délinquance”, ni à l’actualisation de la figure du “bandit”, historiquement déterminée, nos intervenant.e.s de l’année 2018-2019 ont élargi notre champ d’analyse à divers objets : l’institution “hors la loi” du droit chez Benjamin ; les fonctions de la scène juridique chez Kafka ; littérature, normes de genre et identités queer ; discours ethnographique et discours littéraire dans les organisations criminelles de type mafieux ; légalités super-héroïques dans le comic ; stratégies auctoriales face à la censure, etc. (Voir l’aperçu de nos séances de l’année 2018-2019 sur https://seminairehll.hypotheses.org/)

L’analyse de nombreuses situations-limites, dans leur diversité, illumine les enjeux d’une époque marquée par l’essor de la “désobéissance civile”[1] dans des sociétés où la “colonisation du droit”[2] n’empêche nullement la manipulation de celui-ci à des fins de proscription toujours plus violentes. Au-delà de son actualité, nos intervenant.e.s ont aussi souligné l’irréductible singularité d’une expression plastique, sujette à d’infinis déplacements et d’incessantes réappropriations aussi bien politiques que littéraires. L’expression “hors la loi”, fondée sur une métaphore spatiale, semble en effet définir son sujet par exclusion ; mais c’est une évidence intuitive trompeuse, qui fait oublier que ce “dehors” peut être situé de nombreuses manières (devant la loi, au-dessus de la loi…). Elle occulte aussi les très nombreuses interactions que supposent les situations de proscription, d’exception et d’exclusion. 

En marge de ces interactions, semble pourtant résister une conception du texte littéraire comme discours hétérodoxe et comme espace autonome, par exemple dans Le plaisir du texte, où la négociation entre l’absolue individualité du “style” et la contrainte de la “langue” ménage au lecteur un lieu de “jouissance” hors de toute subordination légale ou morale. Dans quelle mesure s’est trouvée nuancée cette surdétermination de l’idée de plaisir, de jouissance et de transgression (ainsi que leur association presque systématique) dans la pratique littéraire, aussi bien du point de vue de la production des textes que de celui de leur réception ? 

Pour la deuxième année de ce séminaire, nous souhaiterions approfondir cette question du “dehors” dans le “hors la loi”, d’une certaine manière en la redoublant, et en adoptant une situation de surplomb par rapport aux textes eux-mêmes. Cervantès mentionne son incarcération dans la préface du Quichotte, “l’histoire d’un fils sec, maigre, fantasque, plein de pensées étranges (...) [tel] qu’il pouvait s’engendrer dans une prison”, et ajoute à propos de son œuvre : “hélas, je n’ai pu contrevenir aux lois de la nature qui veulent que chaque être engendre son semblable.”[3] Exprimée non sans ironie, l’idée d’une détermination entre contexte d’emprisonnement et innovation littéraire sous forme de loi naturelle nous invite à analyser des contextes de création irréguliers : des temps et des espaces où les normes se trouvent inversées, suspendues ou déplacées. Nous pouvons également nous interroger sur les dynamiques de réception qu’impliquent l’abolition des normes, leur restauration, ou encore l’instauration de légalités nouvelles.

A la suite de ces remarques, nous proposons à nos intervenant.e.s de réfléchir aux axes suivants : 

  • Contextes irréguliers ou contraints de production, réception et médiation des œuvres littéraires, et reconfiguration des normes impliquées par les déplacements contextuels (historiques, géographiques, culturels, linguistiques)

  • Migrations des textes entre des scènes littéraires marquées par des normativités concurrentes : marché littéraire, institution universitaire, critique, milieux artistiques, etc., lorsque celles-ci sont pensées sur le mode de la clandestinité ou de l’effraction

  • Dans l’examen par la littérature des contextes d’illégalité, analyse de la légalité des procédures de la création littéraire (enquête, publication, diffusion) et de ses contournements par des voies poétiques ou fictionnelles. Quelles responsabilités sont engagées dans les interactions que supposent ces pratiques littéraires ? 

  • Métaphores de l’illégalité et leurs usages dans le discours auctorial et dans le discours critique, tels que : éthos littéraire emprunté à la figure du proscrit ou du clandestin, ou qualifications de pratiques d’enquête et/ou de pratiques scripturales décrites comme “dissidence” “effraction” ou “braconnage”[4]. Cette réflexion pourra aussi englober la problématique de l’interdisciplinarité, dès lors que celle-ci se pense sur des modes “illégitimes”, tels ceux mentionnés ci-dessus. 

  • Rôle de la fiction par rapport au discours spécialisé du droit, vis-à-vis de la loi et de son interprétation. Et plus généralement, tout échange et toute interférence entre énoncé littéraire et énoncé juridique (exemples : statut de la fiction juridique ou de la fiction dans le droit, statut de l’écrivain comme homme ou femme de loi, modes de croyance engagés dans le pacte fictionnel et le contrat social, etc.).

Les propositions d’intervention peuvent être envoyées aux adresses suivantes :

antoine.ducoux@sorbonne-nouvelle.fr ou guillermo.hector@sorbonne-nouvelle.fr,

accompagnées d’une brève présentation du sujet de thèse et des disponibilités de l’intervenant.e.

Merci de nous faire parvenir vos propositions avant le 1er septembre si vous souhaitez intervenir au 1er semestre, et le 1er novembre si vous souhaitez intervenir au second semestre.

Les séances du séminaire auront chaque mois, à partir de novembre 2019, sur l’un des sites de l’Université Paris 3. (horaires et dates à déterminer, selon disponibilités des intervenant.e.s).

Toutes les séances seront ouvertes au public dans la limite des places disponibles.

Les interventions feront l’objet d’une publication sur la revue en ligne TRANS-.

 

[1] Hannah Arendt, Du mensonge à la violence : essais de politique contemporaine, trad. Guy Durand, Paris, Presses Pocket, 2004.

[2] Jacques Krynen, Le théâtre juridique. Une histoire de la construction du droit, Paris, Gallimard, coll. “Bibliothèque des histoires”, 2018.

[3] Miguel de Cervantès, Don Quichotte, trad. Jean-Raymond Fanlo, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Livre de Poche », 2010.

[4] Laurent Demanze, Un nouvel âge de l’enquête : portraits de l’écrivain contemporain en enquêteur, Paris, Corti, 2019.