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Animation et phénoménologie : un spectateur incarné ? (Paris 1)

Animation et phénoménologie : un spectateur incarné ? (Paris 1)

Publié le par Marc Escola (Source : Antoine Rigaud)

Appel à communications
Journée d’études
Animation et phénoménologie : un spectateur incarné ?
le 25 juin 2019
Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Centre Saint-Charles

Organisées par des doctorants des Universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris-Nanterre, en partenariat avec la NEF (Nouvelles écritures pour le film d’animation), avec le soutien du Campus Condorcet.
 

La journée d’études « Animation et Phénoménologie » cherchera à explorer les articulations possibles entre ce courant de pensée et cette forme de cinéma. D'une part, rendre compte du problème spécifique de l’expérience spectatorielle du film d’animation, d'autre part, envisager et expliquer la place longtemps laissée vacante du cinéma d'animation dans les théories du cinéma. En effet, les Animation Studies proposent des modèles de compréhension de « cet autre du cinéma » pour reprendre l’expression d’Hervé Joubert-Laurencin, au travers soit d’une histoire des techniques soit d’une esthétique de la création et du geste créatif. La question de la particularité de l’expérience éprouvée devant le film d’animation a ainsi souvent été annexée aux problèmes plus larges de la spécificité du médium et à la différence entre création par l’enregistrement mécanique de la caméra et création artistique « image par image ».

L'Expérience du spectateur : quelle phénoménologie de l'utopie visible ?

Il s’agira donc de revenir, par le biais de la phénoménologie (entendue à la fois comme pensée historicisée et comme méthode pour comprendre la perception) sur le rapport que le spectateur entretient avec l’image en mouvement. La “cartoonisation” du cinéma (Massuet 2013 : 422) le concept récent d’« animage » (André Gaudreault et Philippe Marion: 2013) comme productions d’une crise de l’image cinématographique, appellent à s’arrêter plus longuement sur l’articulation entre le spectateur d’images supposées réelles, réalistes, enregistrées et le spectateur d’images dessinées, modelées, trafiquées. La confusion introduite par le numérique suppose ainsi de poser, a posteriori de l’enjeu technique, le problème du spectateur. La phénoménologie peut offrir une approche alternative, émancipée de la question de l’indexicalité photographique.

Un cinéma impur : l'animation entre les théories du cinéma

Dans cette perspective, le film d’animation n’a que très rarement été abordé par la phénoménologie (à l’exception de l’article de Bouldin: 2000). Le principe post-husserlien d’une tentative de mettre entre parenthèse notre adhésion naïve ou positiviste du monde avec comme horizon la redécouverte de l’expérience mondaine à partir du corps, partage avec l’expérience du film d’animation de nombreux point communs. Hervé Joubert-Laurencin rappelait ainsi que le cinéma d’animation offrait cette impression aux spectateurs que le film était en train de se faire. Cette expérience rappelle assez étroitement les propos de Merleau-Ponty sur Cézanne, cette « instance du monde » provoquée par la série de tableaux de la Montagne Sainte-Victoire qui « se fait et se refait d’un bout à l’autre du monde, autrement, mais non moins énergiquement que dans la roche dure au-dessus d’Aix. » Comment comprendre que la phénoménologie n’ait pas pris en considération le cinéma d’animation ? Et que produirait la rencontre de cette pensée et de cet objet ?

Film – Image – Espace

Ces quinze dernières années plusieurs chercheur.e.s ont su créer ce lien entre l’image cinématographique et les catégories esthétiques héritées de la phénoménologie. Antoine Gaudin montre ainsi comment l’étude de l’espace dans le cinéma contemporain permet de comprendre le glissement entre « un sujet-spectateur désincarné, défini essentiellement par son activité visuelle » à « un spectateur incarné, entretenant un rapport charnel au film en tant que phénomène. » (Gaudin: 2015) Clélia Zernik, au contraire, en resituant le problème, dans les termes de Merleau-Ponty, comme une opposition entre la nouvelle psychologie héritée de la Gestalt-théorie et la phénoménologie restituant la perception ordinaire, a montré comment le dispositif cinématographique, en rejetant l’ancrage du sujet au monde, ne peut se comprendre selon la pensée de « l’être-dans-le-monde » mais plutôt à travers une logique de psychologie expérimentale, ce qui le distingue des autres arts. Ce dialogue difficile, nourri par les publications plus anciennes de Laura U. Marks et Vivian Sobchack, ne prend jamais comme appui le film d’animation qui, dans son hybridité entre dessin, art plastique d’un côté, et image en mouvement de l’autre pourrait résoudre le problème.

Cette journée d’étude vise ainsi à initier un double mouvement. 1 – ressaisir la problématique ontologique du film d’animation sous l’angle du spectateur incarné issu des réflexions phénoménologiques de la perception. On rappellera ainsi à quel point les théories dominantes du cinéma ont déserté le cinéma d’animation. 2 – S’inscrire dans le mouvement contemporain d’une requalification de la perception de l’image cinématographiques sous les catégories héritées de la phénoménologie.

Axes de recherches envisagés :

Discours de la phénoménologie sur l’art, les techniques ou l’esthétique de l’animation

L’œuvre de Robert Lapoujade : L'informe au seuil de l'être

Performance et animation : le corps dans la création plastique (Len Lye, McLaren, Pierre Hébert)

La notion de style chez Merleau-Ponty et en animation

La description du monde par la phénoménologie et l’expérience du monde dans les images animées

Incarnation et disponibilité du corps : Mocap, Perfocap, VR.

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Les propositions de communication (500 mots max) et une bio-bibliographie doivent être envoyées aux co-organisateur avant le 2 mai 2019 aux adresses suivantes : clement.dumas@etu.univ-paris1.fr, arigaud@parisnanterre.fr.

Comité d’organisation : Antoine Rigaud (Paris-Nanterre), Clément Dumas (Paris 1, ACTE)

Comité scientifique de la NEF

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Bibliographie :

  • Bouldin, J. (2000). “Bodacious bodies and the voluptuous gaze: A phenomenology of animation spectatorship”. Animation Journal, 8(2), pp. 56-67.
  • Carbone M., 2011, La chair des images: Merleau-Ponty entre peinture et cinéma, Paris, Vrin.
  • Denis S., 2017, Le cinéma d’animation: techniques, esthétiques, imaginaires, Paris, Armand colin.
  • Gaudin A., 2015, L’ espace cinématographique: esthétique et dramaturgie, Paris, Armand Colin, coll. « Cinéma-arts visuels ».
  • Gaudreault A. & Marion P., 2013, La Fin du cinéma ? Un média en crise à l'ère du numérique, Paris, Armand Colin.
  • Joubert-Laurencin H., 1997, La lettre volante: quatre essais sur le cinéma d’animation, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, coll. « L’œil vivant ».
  • Massuet J-B., 2017, Quand le dessin animé rencontre le cinéma en prises de vues réelles : modalités historiques, théoriques et esthétiques d'une scission-assimilation entre deux régimes de représentation. Musique, musicologie et arts de la scène. Université Rennes 2, 2013.
  • Merleau-Ponty M., 1989, L’ œil et l’esprit, Paris, Gallimard, coll.« Collection folio Essais », n˚ 13.
  • Tomasovic D., 2006, Le corps en abîme: sur la figurine et le cinéma d’animation, Pertuis, Rouge Profond.
  • Zernik C., 2012, L’œil et l’objectif: la psychologie de la perception à l’épreuve du style cinématographique, Paris, J. Vrin.