Actualité
Appels à contributions
1976-2016 : Quarante ans de Roman antillais. Hommage au Professeur Jack Corzani

1976-2016 : Quarante ans de Roman antillais. Hommage au Professeur Jack Corzani

Publié le par Vincent Ferré (Source : Pr. Charles SCHEEL)

Appel à contributions 
pour un dossier thématique de la revue en ligne Archipélies 
(Équipe d'accueil CRILLASH – UFR LSH – Université des Antilles)
« 1976-2016 : Quarante ans de Roman antillais »
Hommage au Professeur Jack Corzani

                                                                *

Le monumental ouvrage en six tomes consacré par Jack Corzani à La littérature des Antilles-Guyane françaises, publié chez Désormeaux en 1978, reste de loin la somme d'érudition la plus ambitieuse réunie sous une plume et la première référence imprimée dans ce domaine. Son tableau synoptique en annexe (de nature encyclopédique : trente-sept pages) partait des premières chroniques des colonisateurs de la fin du 17e siècle, pour s'arrêter avec la mention du roman Heremakhonon de Maryse Condé, publié en 1976. C'est dire si l'auteur de cette somme avait intégré jusqu'aux dernières parutions avant la mise sous presse par l'Union Parisienne d'Imprimeries de ces quelque 2200 pages. C'est dire aussi que cette dernière référence remonte à plus de quarante ans désormais. L'hommage que l'on souhaite rendre à Jack Corzani, consisterait logiquement à continuer son travail d'exploration du même champ littéraire – tous genres confondus – pour les quarante dernières années. Mais un tel projet ne saurait tenir dans un dossier thématique dans Archipélies, pour lequel on propose un modeste « passage en revue » – littéralement – du seul « roman des Antilles françaises entre 1976 et 2016 ».

Il va sans dire que l'emploi de ce singulier demande à être discuté. La tendance des littératures vers le pluriel avait déjà été notée par Corzani qui avait divisé son entreprise en trois grandes parties chronologiques : Exotisme et Régionalisme (tomes I et II), La Négritude (tomes III et IV) et Les Choix contemporains (tomes V et VI). Il est symptomatique que le titre pluriel de cette troisième partie, couvrant les trois décennies de 1946 à 1976 – qui correspondent à la mise en place de la départementalisation des anciennes colonies d'outre-mer sur le plan politique et, sur le plan économique, à ce qui a été appelé « les trente glorieuses » – ne contient plus de qualificatif référent à un mouvement unificateur. En effet, cette troisième partie constate le passage de la négritude à « l'idée d'une conscience nationale », puis le surgissement d'un militantisme autour de « l'Antillanité », parallèlement à une nouvelle littérature régionaliste et au maintien d'une tradition schoelchérienne (alliant « fierté nègre et citoyenneté française »), pour aboutir à un ultime chapitre que Corzani intitule « Le désarroi contemporain ». Voilà une formulation qui fournit un sous-titre stimulant à notre projet : le roman antillais a-t-il surmonté ce « désarroi » diagnostiqué pendant la première moitié des années 1970 ? Sachant que la même période – immédiatement post-soixante-huitarde – ne s'est pas contentée de bouleverser la culture et l'expression artistique seulement aux Antilles, bien entendu.

Si donc en mentionnant « l'antillanité » dans son analyse du champ littéraire de l'après 1946, l'ouvrage de Corzani prenait déjà en compte les œuvres du jeune Glissant, de La Lézarde (1958) à Malemort (1975) en passant par L'Intention poétique (1969), il est paru avant que Le Discours antillais (1981) ne vienne planter un jalon décisif dans la critique littéraire francophone, suivi en fin de décennie par Éloge de la Créolité (1989) du trio – également martiniquais – Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant. Ce sont ces deux manifestes qui ont marqué les deux décennies après 1976, avant que d'autres textes complètent la théorisation du discours sur la littérature antillaise : Poétique de la relation (1990), Introduction à une poétique du divers (1996) et Traité du Tout-Monde (1997) de Glissant -- et Écrire en pays dominé de Chamoiseau (1997).

Dix ans plus tard, Pour une littérature-monde, un ouvrage polémique, est publié en mai 2007 chez Gallimard par Michel Le Bris et Jean Rouaud. Il fait suite au manifeste intitulé « Pour une littérature-monde en français » paru dans Le Monde du 15 mars 2007 et signé par 44 écrivains, dont deux Martiniquais (Edouard Glissant et Roland Brival) et deux Guadeloupéennes (Maryse Condé et Gisèle Pineau).

La période des quarante dernières années est donc marquée par une théorisation croissante de la littérature et de la critique dans le champ littéraire de langue française, particulièrement en Martinique où quatre impulseurs de concepts théoriques sont aussi des romanciers. Dans Lettres créoles (1991), Confiant et Chamoiseau avaient par ailleurs revisité, « au pas de charge », trois cent quarante années d'écrits antillais (de 1635 à 1975), donc la même période que celle couverte par le grand œuvre de Corzani, et terminé en  signalant qu'après 1975, « on assiste à une explosion de talents qui balisent l'aire d'évolution […] de l'écriture créole », qu'il faut désormais, selon eux, tenter d'appréhender « dans la richesse éclatée, mais harmonieuse, d'une Diversalité ». 

Ces éléments contextuels rappelés, on souhaite réunir dans ce dossier d'Archipélies des études prenant du recul par rapport à la production romanesque antillaise des quatre décennies passées, afin de tracer l'évolution de tel écrivain, de tel genre (roman, roman historique, polar, récit, auto-fiction, texte hybride...), de tel concept (postcolonialisme, postmodernisme, antillanité, créolité, diversalité, hybridité, relation, tout-monde...). Peut-on distinguer des phases dans la production d'un Chamoiseau, d'un Confiant, d'une Condé ? Peut-on distinguer entre écriture de femmes et écriture d'hommes ? Entre écrivains îliens et écrivains de la diaspora ? Entre romans de Martinique et romans de Guadeloupe ? Qu'apportent des écrivains non affiliés à la créolité, comme Roland Brival ou Marie-Reine de Jaham ? Comment recevoir les textes co-signés André et Simone Schwarz-Bart dont la publication du « cycle antillais », initiée en 1967 avec Un Plat de porc aux bananes vertes, a été complétée récemment par deux « nouveaux » romans inédits jusqu'alors? En dehors de Texaco de Chamoiseau, sacré par le Goncourt en 1992, la période a-t-elle laissé des œuvres considérées dorénavant comme des classiques ? Si oui à quel titre ? Dans la veine intellectuelle ou populaire ? Parmi la dizaine de romanciers martiniquais prolifiques reconnus, la critique n'a-t-elle pas négligé Xavier Orville, Roland Brival, Tony Delsham, Nicole Cage-Florentiny ou José Le Moigne ? Du côté de la Guadeloupe, Ernest Pépin ne mérite-t-il pas plus d'attention qu'il n'en a eue ? Et, pour finir, de nouvelles orientations sont-elles perceptibles sous les nouvelles plumes des deux îles ? On pense à Alfred Alexandre, Fabienne Kanor ou Jean-Marc Rosier pour la Martinique, et à Dominique Deblaine, Gerty Dambury, Bernard Leclaire ou Dominique Lancastre pour la Guadeloupe, par exemple.

Calendrier : 
La publication du dossier est prévue au premier semestre 2019. 
Les propositions sont à envoyer à Charles SCHEEL (charles.scheel@univ-antilles.fr) et à Liliane FARDIN (liane.fardin@wanadoo.fr) dans un document Word 97 de 4.000 à 6.000 signes d'ici le 30 mars 2018
Les articles (de 40.000 à 60.000 signes) des propositions acceptées seront attendus d'ici le 30 août 2018 et soumis à un processus d'évaluation en lecture double aveugle.