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Fabula-LhT : Sérialités narratives. Pour une approche décloisonnée des fictions au long cours

Fabula-LhT : Sérialités narratives. Pour une approche décloisonnée des fictions au long cours

Publié le par Romain Bionda

Appel à contributions pour un prochain numéro de la revue Fabula-LhT : littérature, histoire, théorie

Sous la direction de Yasmina Foehr-Janssens, Simone Ventura, Camille Carnaille et Prunelle Deleville

Quels profits intellectuels y aurait-il à penser le phénomène de sérialité narrative à partir d’un corpus non borné historiquement ? Qu’apprendrions-nous en traitant dans un même sommaire des œuvres antiques, médiévales, modernes et contemporaines ? Dans le prolongement d’un colloque ayant eu lieu à Genève en janvier 2023, ce prochain numéro de Fabula-LhT assemblera des contributions portant sur les formes de sérialité narratives comme phénomène culturel, dans une perspective de littérature globale.

Le présent appel émane d’un groupe de recherche qui s’intéresse aux grands cycles narratifs médiévaux. Ces œuvres romanesques de grande envergure sont fondées sur un principe d’amplification potentiellement infinie, faite d’agrégats narratifs, de greffes textuelles ou d’inventions rétrospectives. Pour consolider la réflexion sur les procédures d’amplification narrative, il s’agira d’inscrire celles-ci dans le cadre plus vaste de la création sérielle, pensée comme phénomène transhistorique à partir de la théorie contemporaine. Les fictions sérielles procèdent par réduplication, réappropriation, enchâssement, emprunts, parodies, réécritures : autant de phénomènes que les notions de transfictionnalité, de polytextualité, de transmédialité ou d’intermédialité permettent d’éclairer. Une place centrale sera accordée à des contributions relevant des théories du récit et de la création de fictions sérielles dans différents médias (littérature, bande dessinée, cinéma, télévision). Afin de promouvoir une approche décloisonnée de la complexité narrative et des outils conceptuels forgés pour en rendre compte, le présent appel s’adresse à des spécialistes des fictions de toutes les périodes historiques et de tous les espaces culturels et linguistiques. 


Les axes de réflexion proposés sont les suivants.

Conditions de production et matérialité
L’étude de la sérialité narrative ne peut se passer de la prise en compte de divers paramètres de production et de diffusion. Qu’il s’agisse des mécanismes de production des séries contemporaines, de ceux des sommes romanesques manuscrites du Moyen Âge ou de la publication de feuilletons au XIXe siècle, la création fictionnelle au long cours nécessite des moyens financiers souvent conséquents et doit généralement se plier aux impératifs de sa mise à disposition du public. Par quels mécanismes ces conditions matérielles affectent-elles la forme du récit ? Comment la prise en compte de ces critères en informe-t-elle l’analyse narratologique ? Ces questions demandent une réflexion sur les modes d’auctorialité qui régissent la mise en œuvre de ce type de fictions. Pour ce qui est des créations cinématographiques et télévisuelles, la protection de la marque pré-oriente l’unité d’ensemble des produits. On pourra aussi s’interroger sur les fonctions d’autorité narrative et sur leur productivité dans le cas des œuvres plus anciennes.

Approches socio-historiques
L’imaginaire social de la culture est traversé par des représentations opposant les goûts et les préférences esthétiques en fonction de catégories binaires : genres nobles ou populaires, culture de masse ou élitaire, œuvres classiques ou « tout public », etc. Les formes sérielles sont souvent assimilées à des produits d’accès facile, adressés à un public large. Ce lieu commun résiste cependant difficilement à un examen, même superficiel.  De tous temps, de nombreuses œuvres construites sur le mode sériel ont visé un public cultivé (p. ex.  les sommes romanesques médiévales ou l'Astrée), tout en engendrant des modes d'expertise qui se forgent en dehors des canaux reconnus de la critique littéraire académique. La question du public peut aussi être traitée via les citations ou les allusions présentes dans les œuvres, qui présupposent leur reconnaissance de la part des destinataires. On pourrait se demander comment les phénomènes citationnels, intertextuels ou transfictionnels interagissent avec les pratiques de consommation et de création (réécritures, traductions, adaptations, continuations).

Questions formelles
Le rythme et la vitesse, le séquençage, la distinction entre différentes « branches » du récit, de même que les supports génèrent-ils des formes de sérialités que l’on peut distinguer les unes des autres (cycle, somme, feuilleton, série, etc.) ? Ces choix mobilisent-ils des poétiques différenciées ? Sont-ils déterminés par les modèles de temporalité (finie, infinie, référée à une eschatologie) qui gouvernent leur principe fictionnel (chronique ou saga, quête, conquête, enquête, etc.) ? 

Mondes virtuels et stéréotypes héroïques
Du fait de son ampleur, la création sérielle s’avère confrontée à la question de la création de mondes fictifs et à celle du respect de critères de cohérence. Sur quel ensemble de références éthiques, politiques, religieuses fonde-telle son propre univers ? Comment en assume-t-elle les éventuelles contradictions ? La loi de l’amplification affecte l’élaboration du personnel narratif, faisant souvent émerger des modèles héroïques inédits, suscités par la labilité des personnages, leurs dédoublements ou redoublements, la création de liens de filiation ou d’inimitié, etc. Le façonnage des personnages mobilise aussi des stéréotypes de genre, de classe et de race et reflète des préoccupations sociales. Comment et avec quels outils appréhender la fabrique des modèles d’autorité et la représentation des rapports de pouvoir des économies représentées ? Comment mobilise-t-elle les imaginaires disponibles ? Quel rapport la fiction institue-t-elle à la réalité ?


Pour contribuer au numéro :

Les propositions – deux pages rédigées, suivies d'une courte ébauche de plan de l’article projeté et d’une bibliographie sélective – devront être adressées avant le 5 février 2024 à romain.bionda@fabula.org.

Ce faisant, merci de :

  • préciser l’intitulé du numéro de Fabula-LhT concerné dans l’objet du message ;
  • transmettre votre proposition dans un format éditable (par exemple .doc ou .docx, mais pas au format .pdf) ;
  • ne pas mettre les directeur·rice·s du numéro en copie du message, afin de garantir votre anonymat lors de l'évaluation des propositions.

Les propositions seront en effet évaluées de manière anonyme, en double aveugle (peer review), conformément aux usages de la revue. Les auteurs et autrices seront informés des résultats de la procédure de sélection le 4 mars 2024.

Les premières versions des articles seront à rendre le 15 juillet 2024 au plus tard. Avant la reddition des articles dans leur version finale, fixée au 6 mai 2025, plusieurs navettes sont à prévoir avec les directeur·rice·s de ce numéro (Yasmina Foehr-Janssens, Simone Ventura, Camille Carnaille et Prunelle Deleville). À l’issue de ce processus, les textes conformes à l’éthique de la revue et respectant nos consignes de rédaction paraîtront à l’automne 2025.