Acta fabula
ISSN 2115-8037

2018
Décembre 2018 (volume 19, numéro 11)
titre article
Maëlle de La Chevasnerie

Le Guépard, l’aveu d’un roman

Sylvie Servoise, Politiques du temps, Le Guépard de Lampedusa dans l’histoire, Rennes : Presses universitaires de Rennes, « Interférences », 2018, 181 p., EAN 9782753565234.

1Le roman de Tomasi di Lampedusa a donné lieu, depuis sa parution, à différents malentendus interprétatifs, alors même que son succès ne s’est jamais démenti. La compréhension, la réception et la postérité du Guépard ont fait l’objet de nombreuses études, mais celle que propose Sylvie Servoise dans cet essai, par la prise en compte de toutes les facettes de l’œuvre, et la réfutation des fausses idées reçues à son égard, défend l’idée que Le Guépard a eu et a encore quelque chose à nous dire de notre propre rapport au temps et au changement historique. Cette analyse très précise nous semble rendre un juste hommage à cette œuvre qui a vu se déployer contre elle tant d’injustes critiques.

Un faux procès

2Accusé d’être un roman démodé, réactionnaire, défendant tantôt l’immobilisme (par l’attitude mal comprise du Prince), tantôt le transformisme (par celle de Tancredi, qui a d’ailleurs donné lieu à un contre‑sens sur la signification du mot « guépardisme »), un roman « désengagé », juge impitoyable du RisorgimentoLe Guépard a reçu de nombreuses critiques, toutes finalement nées d’un même reproche, selon S. Servoise : il s’agit d’un roman écrit par un aristocrate, qui nous parle (principalement) de l’aristocratie. Les critiques idéologiques et formelles faites à cette œuvre découlent toutes de ce procès d’intention lié à un préjugé biographique.

3Cette attaque simpliste et simplifiante a été notamment parée par Aragon qui avait perçu la subtilité de l’œuvre et compris la critique « de l’intérieur » de l’aristocratie qu’elle porte en elle, ou du moins l’acuité de son appréhension de la fin d’une caste à bout de souffle. En effet, Le Guépard ne prône pas le retour à un ordre ancien mais pose un regard lucide sur les splendeurs et misères de l’aristocratie sicilienne, au moment du Risorgimento. Les critiques lui ont cependant reproché de refuser l’histoire, ne pas soutenir la révolution, d’être défaitiste, de montrer des lendemains qui « ne chantent pas » ou encore d’annihiler tout espoir. Pourtant, l’idéologie du Guépard, s’il faut en trouver une à tout prix, a trop souvent été mal comprise : il ne s’agit en aucun cas d’un roman à thèse, dogmatique et péremptoire, qui défendrait la conservation des privilèges. Le seul message politique véhiculé est une forme de déception face au constat que les hommes ne sont plus capables d’aspirer aux mêmes choses au même moment, d’avoir les mêmes rêves, et une certaine nostalgie, liée à la perte des valeurs dites aristocratiques, la hauteur de vue, le bon goût, le désintéressement… et à la médiocrité de la nouvelle caste de dirigeants, alors que de grands hommes étaient espérés. Ainsi, la « double nostalgie » du roman, est une nostalgie « pour l’aristocratie qui fut » et pour « la bourgeoisie qui aurait pu être », l’histoire d’un « désenchantement politique » (p. 160).

4Des critiques esthétiques lui ont également été faites à propos d’une poétique supposément désuète, d’un style dépassé. Cet essai évoque les influences littéraires, les soubassements du style de ce grand roman italien qui entraîne avec virtuosité le lecteur dans les pensées d’un homme, la mémoire d’une famille, les arcanes d’une classe sociale. En effet, cette œuvre « tisse des liens avec les jeux woolfiens et proustiens sur le temps et la mémoire » ainsi qu’avec « l’hermétisme d’un Mallarmé et l’understatement des auteurs de l’époque victorienne, le scepticisme d’un Montaigne et la fascination d’un Shakespeare pour le théâtre du monde » (p. 10). L’influence de Joyce est également visible : le projet initial du roman était d’ailleurs de raconter une seule journée, ce que l’on distingue encore dans le fait que chacune des huit parties du roman se déploie sur vingt‑quatre heures. Enfin, Lampedusa, grand lecteur de Stendhal, avait particulièrement étudié chez lui la « voix narrative », bien avant les travaux de G. Genette, et la façon dont il fait usage du monologue intérieur par le discours indirect libre lui rend hommage. Ce roman de la mémoire vive, sensoriel, allusif, tout en laissant au lecteur le soin de se frayer un chemin d’interprétation, retrace l’expérience de la fragilité d’un homme qui se croyait inébranlable et du vacillement d’un monde qui se pensait éternel.

Le « bal des temporalités »

5Le Guépard n’est pas un roman historique, affirme également l’auteur de cet essai, et une grande partie de son ouvrage cherche à préciser les rapports entretenus par l’histoire et la fiction. Il s’agit pour S. Servoise d’un roman décrivant les effets de certains événements historiques sur un homme, sa famille et sa classe sociale, mais qui a une portée plus large et tente de prendre la mesure de ce qui se passe et s’est passé, d’une œuvre qui « se tournant vers le monde d’hier » est encore « sensible au bruit du temps contemporain » (p. 11) et en rend l’écho.

6Il s’agit d’une « représentation subjectivée de l’histoire » (p. 28), la structure du roman est volontairement elliptique. Les événements historiques que constituent les différentes étapes « siciliennes » du Risorgimento, notamment l’expédition des Mille (le débarquement de Garibaldi en Sicile), le plébiscite concernant l’annexion du royaume des Deux‑Siciles au royaume de Piémont‑Sardaigne et le départ des Bourbons, touchent principalement le Prince et sa famille par l’influence grandissante des Piémontais qui commencent à occuper des postes importants en Sicile. C’est l’inscription des conséquences du changement historique dans la vie quotidienne, les effets différés du « politique dans le domestique1 » qui inquiètent le Prince. Dans ce roman, l’histoire est « mise en sourdine » (p. 19) : les événements historiques sont racontés à contretemps, par le biais d’un conteur‑rapporteur ou d’une manifestation concrète (la découverte d’un soldat mort dans le jardin du Prince), d’une émanation visible des effets de l’histoire qui entre parfois violemment par une petite porte, venant dérégler la vie quotidienne des Salina. Les événements sont toujours « médiatisés » (p. 17) par le temps (les personnages apprennent les événements après coup), l’énonciation (ils les apprennent par des récits) et le point de vue (souvent celui du Prince, parfois celui d’autres personnages). Ce roman décrit le « flux » du temps (p. 19) sur les individus en tenant compte de leurs diverses perceptions. L’histoire est un arrière‑plan important, puisqu’il s’agit d’une période de grands bouleversements, mais ce sont ses effets sur les hommes, leurs réactions face à elle qui sont au cœur de ce roman. Plusieurs discussions entre le Prince et son neveu Tancredi formulent explicitement certaines questions ; mais d’autres se greffent à la lecture, implicitement. Y a‑t‑il un sens à l’histoire ? Faut‑il le suivre ? Accepter, est‑ce adhérer ? Adhérer, est‑ce participer ? Ces questions parcourent l’œuvre.

7Cet essai décrit avec précision la façon dont plusieurs temporalités sont imbriquées dans le roman, comment elles se superposent, se croisent. Le roman se déroule de 1860 à 1910, mais toute cette période de changements historiques, du commencement de la crise à ses conséquences finales, est perçue à travers le regard d’un homme de 1950 qui ne se prive pas d’intervenir et de procéder à certaines anticipations historiques afin de montrer, semble‑t‑il, une certaine cohérence, une logique. S. Servoise nomme « poétique de l’œil aigu » (p. 23) ces interventions d’un narrateur qui dispose d’un savoir historique qui dépasse celui des personnages. Cette façon de procéder lui permet de nous faire percevoir entre ces deux époques des échos très importants, comme par exemple la recrudescence de la question méridionale dans les années 1950, liée aux disparités toujours très grandes entre le niveau de vie du sud et celui du nord de l’Italie, d’annoncer certains événements et d’adopter une position de surplomb. La réintroduction du présent d’énonciation permet de franchir le siècle qui sépare les deux époques. On assiste à une ouverture des temps du récit, à une « diffraction des consciences » par la « multiplication des regards » (p. 23). Le roman se voit donc « doté d’une portée historique et politique qui dépasse le cadre de la diégèse et puise à une expérience intime et plurielle du temps et de l’histoire » (p. 132). Ces subtils jeux de miroirs permettent au lecteur de réfléchir à sa propre expérience de la temporalité (« Quand commence, quand finit une époque, quand et comment s’apercevoir que l’on vit un changement historique, comment articuler temporalité intérieure et sociale, son temps et celui des autres2 ? ») au‑delà de celles qui lui sont présentées, et affermissent l’idée d’une conception cyclique du temps qui s’oppose au temps linéaire mais ne parvient pas, cette fois, à éviter la « spirale descendante », c’est‑à‑dire la « répétition du même, mais en pire » (p. 100). Le Prince aveuglé pense au début du roman que les événements historiques se répètent, qu’il n’y a « rien de nouveau sous le soleil (de Sicile) » (p. 42), et cette idée explique pourquoi il ne semble pas s’inquiéter outre mesure de la révolution, l’accusant même ensuite de ne pas avoir vraiment eu lieu. Néanmoins, cette fois, il se trompe, le cycle s’ouvre, « l’éternel retour » n’a pas lieu. Plus que Garibaldi, le temps est vainqueur, le fauve se meurt et avec lui tout son clan. Les temps nouveaux sont des « temps mobiles » (p. 68) où rien n’est écrit d’avance, ni dans le nom, ni dans les étoiles. On assiste donc dans ce roman, selon S. Servoise, à un passage d’un « régime ancien d’historicité », fondé sur la tradition, qui inscrit l’expérience dans la longue durée, où « le temps historique est inféodé à l’éternité », au temps long, à un « régime moderne d’historicité » (p. 70), caractérisé par une fascination pour l’avenir, et un rejet plus ou moins radical des expériences issues de la tradition3.

L’aristocratie & son temps

8Cet essai évoque également le rapport particulier qu’entretient l’aristocratie sicilienne avec le temps, élément fondateur de son identité, et plus largement la façon dont elle nous est présentée dans le roman.

9Le personnage du Prince, dont la voix est souvent doublée, dans ses nombreux monologues intérieurs et même dans les plus infimes remarques, par celle de l’homme du xxe siècle qui a écrit le roman, même s’ils ne se confondent jamais totalement, permet des observations d’une richesse inégalable, un regard lucide, sans concession, sur l’aristocratie sicilienne, dévoilant tant sa grandeur passée que son chant du cygne. L’un des reproches faits au roman était de présenter la caste des aristocrates comme celle des vaincus, alors qu’habituellement nous trouvons le peuple à cette place. Pourtant, la représenter comme vaincue est déjà accepter la fin de son pouvoir ou du moins admettre sa fragilité et, en ce sens, il faut écouter ce que ce roman a à en dire.

10La cinquième partie du roman est très intéressante à cet égard. En effet, le père Pirrone, jésuite d’origine paysanne qui réside chez les Salina, est de retour dans son village, et se propose d’expliquer à son vieil ami herboriste, qui n’y comprend rien, ce que sont les aristocrates. Cet autre regard, dénué de toute inimitié, permet d’approfondir la perception qu’en a le lecteur car un autre personnage, qui les côtoie au quotidien et les connaît bien, énonce ce que sont la noblesse et le « temps long aristocratique » (p. 74) :

Vous savez, don Pietrino, les « nobles », comme vous dites, ne sont pas faciles à comprendre. Ils vivent dans un univers particulier qui n’a pas été créé directement par Dieu mais par eux‑mêmes, durant des siècles d’expériences très particulières, de soucis et de joies bien à eux ; ils possèdent une mémoire collective tout à fait solide et ils se troublent donc ou se réjouissent pour des choses qui ne nous intéressent en rien ni vous ni moi mais qui sont pour eux vitales car elles sont en rapport avec leur patrimoine de souvenirs, d’espoirs, de craintes de classe4.

11Si la littérature est « l’incomparable observatoire5 » de l’histoire, c’est aussi la garante de ce qui n’existe, ou n’existera bientôt, plus. Ici, il s’agit de valeurs aristocratiques dont la perte semble déplorable au Prince mais également au lecteur, qui ne peut que regretter avec lui la disparition du bon goût, de la courtoisie, des bonnes manières, de la distinction et même de la nonchalance. Ce parfum d’antan a plu aux lecteurs, qui ont reconnu la vraie valeur de ce roman dans sa capacité à évoquer, de façon distanciée et par allusions successives, la disparition progressive d’un monde qui se pensait immortel, par le biais du regard de l’un de ses membres.

12L’essence de la noblesse se caractérise, selon S. Servoise, par un certain rapport au temps, marqué du « sceau de l’illusion de l’immortalité » (p. 77) Le Prince croyait en une immortalité collective et identitaire. Il pensait que sa vie, celle de sa famille et de sa classe étaient inscrites dans une temporalité supérieure, presque mythologique. Son dessillement final lui fait constater que tout a changé, que plus rien n’est pareil. Cette conclusion contredit la célèbre phrase de Tancredi, qui parcourt le roman de manière incantatoire et rassure le Prince6. Ce dernier entrevoit la fin et cette sentence sans appel : « Il avait eu tort. Le dernier, c’était lui7 » revient sur cette première affirmation qui se persuadait de la continuité : « Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les petits chacals, les hyènes ; et tous ensemble, Guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre8. »

13La décadence de l’aristocratie est passée sous silence par une ellipse de dix‑sept années entre la septième et la huitième partie du roman. La fin du roman, dans une ironie presque tragique, présente les filles du prince, restées célibataires, qui tentent coûte que coûte de préserver leurs derniers privilèges, la conservation de reliques dans la chapelle privée de leur demeure. Mais il n’y a plus rien à faire, le « sacré est contaminé par le factice », « le sublime déchu par le grotesque » (p. 101), le bon goût, le désintéressement et la courtoisie n’étaient pas des valeurs assez fortes pour permettre à un groupe de subsister, si élégant fût‑il. Peut‑être aurait‑il fallu faire appel à des valeurs aristocratiques plus intérieures, ou plus combatives, pour vaincre et demeurer. La mort du prince et la décadence de son clan ressemblent plus à la disparition d’un art de vivre qu’à celle d’une force politique. Le seul personnage qui a choisi le parti du changement dès le début, en rejoignant les troupes de Garibaldi et en se mariant à une femme d’extraction inférieure, une riche roturière, est Tancredi, le neveu du Guépard. Au chevet de son oncle lors de sa mort, avec son jeune fils, qui dégoûte quelque peu le Prince par le destin banal qu’il lui imagine, il représente à ses yeux un avenir médiocre.

Faire un pas de côté

14Face à une accélération historique, l’attitude du Prince, loin de sombrer dans l’immobilisme, permet donc un ralentissement, une remise en perspective des événements par l’adoption d’une juste distance. Deux éléments sont particulièrement révélateurs de cette recherche de la place idéale : son goût pour la contemplation des étoiles et son ironie.

15La retraite du Prince dans son observatoire lui permet de prendre du recul et d’adopter une position de surplomb face aux événements qu’il observe, pour ne pas les subir sans réfléchir. Se réfugier auprès des étoiles permet un décentrement de son regard. La régularité du ciel lui fait voir de façon moins dramatique les passions du monde. Son détachement affecté ou réel est lié à cette volonté de toujours vouloir tout réordonner à l’aune de l’éternité. L’aspiration à l’ataraxie du Prince, sa volonté de se libérer sans cesse de ce qui l’aspire et l’inquiète, se voit confortée par la « morphine » (p. 35) que représente pour lui l’astronomie.

16De même, l’ironie du Prince et celle du narrateur, qui se confondent parfois, permettent également ce « pas de côté » (p. 167) dont parle S. Servoise à la toute fin de son étude, qui seul est capable de prendre la juste mesure du temps et de saisir la profondeur du changement traversé, de se placer à la bonne distance. L’ironie permet dans un premier temps de « refigurer », pour reprendre des termes de Paul Ricoeur, l’histoire en comédie, de la rendre inoffensive, de l’observer en spectateur distant, avant d’accepter le bouleversement, le changement et la défaite, sans pathos. L’ironie ne touche pas que les événements, le Prince en fait preuve également envers lui‑même et les siens. Il n’épargne personne et, si elle est plus mordante à l’égard de ses opposants « naturels », comme les Piémontais ou les « arrivistes », elle n’en est pas moins cruelle pour son entourage, dont il raille l’affaissement et l’inaction sans pour autant chercher à changer quoi que ce soit, comme le résume cette phrase :

« Sollicité d’un côté par l’orgueil et l’intellectualisme maternel, de l’autre par la sensualité et le laisser‑aller de son père, le pauvre Prince Fabrizio vivait dans un mécontentement perpétuel, malgré son regard jupitérien courroucé, et il contemplait la ruine de sa classe et de son patrimoine sans rien faire pour y porter remède ni en avoir la moindre envie9. »

17Cette attitude est finalement la plus tenable pour le Prince et, d’un point de vue plus général, le pas de côté auquel nous convie tout le roman est, selon S. Servoise, ce qui rend possible « l’observation attentive de la multiplicité des temporalités qui composent l’histoire » pour faire « miroiter, ensemble et en même temps, toutes les facettes du temps » (p. 163) et mieux le comprendre.

Un roman « engagé réflexif »

18Cet essai se conclut sur la conviction que Le Guépard, roman insolite, inclassable, « ouvert à la singularité des trajectoires et des positions » (p. 167) est un « roman engagé réflexif » (p. 147), porteur d’une réflexion morale et politique :

19« On pourrait alors en déduire que la leçon du Guépard réside dans cette affirmation d’une déroute du sens ultime, du non‑sens de l’histoire, qui irait de pair avec l’acceptation de la finitude humaine : elle consisterait à donner une forme historique et réaliste au memento mori sceptique et désenchanté, voire nihiliste, qui traverse tout le livre, une méditation sur la fin d’un monde, d’une classe, d’un homme, – de « tout. » C’est cette dimension morale qui rachèterait, en quelque sorte, la négativité idéologique du roman (au double sens d’une vision pessimiste du monde et de l’existence d’une part, et d’une absence d’idéologie positive d’autre part). » (p. 147)

20C’est peut‑être la seule réserve que nous pourrions avoir vis‑à‑vis de cet essai : vouloir en faire, envers et contre tout, un roman « engagé », pour contrer les critiques qui lui ont reproché de ne pas l’être, n’est‑ce pas chercher, comme ses contempteurs, une catégorisation dont il ne tenait pas à se prévaloir ? Les questions que ce roman soulève, la réflexion qu’il propose sur notre rapport au changement historique, sa nostalgie éclairée, son goût pour une certaine manière de vivre, d’appréhender le monde et le temps qui passe, son pessimisme ironique, suscitent encore l’intérêt du lecteur contemporain. Et il n’est point nécessaire pour l’apprécier de chercher à le classer dans une famille politique, idéologique ou littéraire. La précision des analyses de cet essai le montre bien, Le Guépard nous met seulement en garde contre une « lecture univoque » (p. 167) de l’histoire et du temps tout en nous faisant respirer l’odeur fanée des vieux palais palermitains.